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Revue <strong>de</strong> Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro <strong>de</strong> la Prensa-Basm Ozeti<br />

ItlRtludc<br />

22 décembre 2006<br />

Pour le démantèlement <strong>de</strong> l'Irak<br />

Assiste-t -on à la fin d'un Etat récent qui <strong>de</strong> putsch en dictature avait su<br />

s'imposer régionalement ? Certains analystes l'affirment<br />

ux petites heures du<br />

matin du 22 février, <strong>de</strong>s<br />

insurgés irakiens - presquecenrninement<strong>de</strong>ssunnites<br />

liés à Al-Qaida -<br />

détruisirent le sanctuaire<br />

chiite Al-Askariya <strong>de</strong><br />

Samarra. Depuis cejour, le sanglant chaos<br />

irakien est <strong>de</strong>venu sans conteste une<br />

guerre civile.<br />

Dans l'après-midi du même jour, les<br />

responsables irakiens se rassemblèrent à<br />

Bagdad au quartier général du chef <strong>kur<strong>de</strong></strong><br />

Massoud Barzani, où je séjournais à<br />

son invitation. Malgré les fortes paroles<br />

appelant à l'unité nationale, tous avaient<br />

conscience <strong>de</strong> ce qui se profilait : la<br />

guerre civile. Et ils savaient qu'ils étaient<br />

impuissants à l'empêcher.<br />

L'explosion <strong>de</strong> violence qui a débuté<br />

ce jour-là a désormais atteint <strong>de</strong>s<br />

proportions ahurissantes. La capitale<br />

irakienne, qui abritait autrefois un<br />

mélange hétérogène <strong>de</strong> sunnites et <strong>de</strong><br />

chiites ainsi que quelques Kur<strong>de</strong>s,<br />

chrétiens et mandéens [adorateurs <strong>de</strong><br />

saint Jean-Baptiste], est aujourd'hui<br />

nettement divisée en un secteur sunnite<br />

à l'ouest et un secteur chiite à l'est. Les<br />

Kur<strong>de</strong>s et les minorités non musulmanes<br />

partent <strong>de</strong> plus en plus au Kurdistan, où<br />

règne une relative sécurité, ou bien<br />

quittent le pays. Pour les millions<br />

d'autres qui restent, la vie est <strong>de</strong>venue à<br />

la fois difficile et angoissante.<br />

Dans l'est <strong>de</strong> Bagdad, dominé par les<br />

chiites, la sécurité et ce qui tient lieu <strong>de</strong><br />

loi et d'ordre sont assurés par l'Armée du<br />

Mahdi, une milice chiite liée au religieux<br />

radical Moqtada Al-Sadr. Dans la partie<br />

occi<strong>de</strong>ntale <strong>de</strong> la ville, à majorité sunnite,<br />

<strong>de</strong> nombreux quartiers sont contrôlés<br />

par Al-Qaida, par <strong>de</strong>s groupes terroristes<br />

qui s'en inspirent, ou par <strong>de</strong>s baasistes.<br />

Les institutions nationales irakiennes<br />

sont une plaisanterie. Le gouvernement<br />

d'unité nationale tant vanté, dirigé par le<br />

premier ministre Al-Maliki, est en permanence<br />

au bord <strong>de</strong> l'implosion. De son<br />

côté, l'armée irakienne est divisée en<br />

bataillons largement homogènes <strong>de</strong> sunnites,<br />

chiites et Kur<strong>de</strong>s, dont les unités<br />

refusent <strong>de</strong> manière régulière d'obéir<br />

aux ordres <strong>de</strong> la direction civile légale si<br />

ces ordres vont à l'encontre <strong>de</strong>s souhaits<br />

<strong>de</strong> leurs chefs religieux ou ethniques.<br />

Au mieux, neuf provinces irakiennes<br />

sont sûres, et trois d'entre elles sont<br />

situées au Kurdistan, donc constitution-<br />

Peter W. Galbraith<br />

Conseiller <strong>de</strong> Massoud Barzani et ancien<br />

ambassa<strong>de</strong>ur américain en Croatie<br />

nellement et fonctionnellement indépendantes<br />

du reste <strong>de</strong> l'Irak. Les six autres<br />

provinces sûres se trouvent dans le Sud<br />

chiite; elles aussi sont gouvernées<br />

indépendamment <strong>de</strong> Bagdad, et l'on y<br />

voit les milices chiites appliquer une loi<br />

islamique à l'in.nienne sans tenir aucun<br />

compte <strong>de</strong>s libertés censément garanties<br />

par la Constitution irakienne.<br />

Dans un contexte <strong>de</strong> guerre civile, une<br />

stratégie visant à établir un gouvernement<br />

d'unité nationale doté<br />

d'institutions assurant la sécurité<br />

nationale, comme la police et l'armée, n'a<br />

aucune chance <strong>de</strong> marcher. Non<br />

seulement le gouvernement d'unité<br />

nationale est profondément divisé, mais<br />

<strong>de</strong> surcroît il ne gouverne rien, et surtout<br />

pas Bagdad. Policiers et militaires ne<br />

sont pas les garants imparti~ux <strong>de</strong> la<br />

sécurité publique, ce sont <strong>de</strong>s combattants<br />

impliqués dans une guerre civile.<br />

Le groupe bipartisan d'étu<strong>de</strong> sur<br />

l'Irak, coprésidé par l'ancien secrétaire<br />

d'Etat James Baker et l'ex-représentant<br />

démocrate Lee Hamilton, recomman<strong>de</strong><br />

un retrait programmé <strong>de</strong> la plus gran<strong>de</strong><br />

partie <strong>de</strong>s troupes américaines avant<br />

2008, certains <strong>de</strong>vant rester pour former<br />

et appuyer l'armée et la police<br />

irakiennes. Ce projet semble procé<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />

l'idée que l'armée et la police sont ou peuvent<br />

être <strong>de</strong>s garants neutres <strong>de</strong> la sécurité<br />

publique. En réalité, ce sont avant tout<br />

<strong>de</strong>s chiites ou <strong>de</strong>s sunnites, et ils ont<br />

choisi leur camp dans la guerre civile.<br />

Le groupe d'étu<strong>de</strong> recomman<strong>de</strong> également<br />

l'ouverture <strong>de</strong> pourparlers avec la<br />

Syrie et l'Iran. Pour l'instant, même s'ils<br />

y étaient disposés, ni l'un ni l'autre <strong>de</strong> ces<br />

pays ne pourrait faire grand-chose pour<br />

résoudre la crise irakienne. La guerre<br />

civile irakienne se nourrit d'elle-même,<br />

et, sauf avancée majeure avec la Syrie ou<br />

l'Iran sur <strong>de</strong>s questions qui n'ont rien à<br />

voir avec l'Irak, aucun <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux pays<br />

n'a les moyens d'ai<strong>de</strong>r les Etats-Unis à<br />

s'extirper du bourbier irakien.<br />

Reconnaître que l'Irak est plongé dans<br />

la guerre civile clarifie les choix possibles<br />

pour les Etats-Unis. Ceux-ci peuvent soit<br />

tenter d'unifier un Etat qui n'a jamais<br />

fonctionné et qui est rejeté par une<br />

gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la population, soit<br />

accepter le fait que l'Etat n'existe plus, et<br />

conclure <strong>de</strong>s accords séparés avec les<br />

régions sunnite, <strong>kur<strong>de</strong></strong> et chiite du pays.<br />

S'ils choisissent la première solution,<br />

les Etats-Unis <strong>de</strong>vront jouer le rôle <strong>de</strong><br />

tampon entre sunnites et chiites irakiens,<br />

mission qui requerra <strong>de</strong>s troupes beaucoup<br />

plus nombreuses qu'aujourd'hui,<br />

durera <strong>de</strong>s années et occasionnera<br />

d'innombrables pertes supplémentaires.<br />

La secon<strong>de</strong> solution ouvre une voie <strong>de</strong><br />

sortie pour les Etats-Unis. Un Irak divisé<br />

en régions autonomes serait constitué du<br />

Kurdistan dans le nord du pays, d'une<br />

région chiite rassemblant les neuf provinces<br />

chiites du Sud, et enfin d'une région<br />

sunnite comprenant les trois provinces<br />

qui se trouvent au cœur <strong>de</strong> l'insurrection<br />

actuelle: celles d'Anbar, <strong>de</strong> Ninive et <strong>de</strong><br />

Salaheddine. Si les limites <strong>de</strong> la région<br />

chiite correspondraient sans problème à<br />

celles <strong>de</strong>s provinces qui la constituent, la<br />

frontière mal définie entre la zone <strong>de</strong><br />

peuplement sunnite arabe et la zone<br />

<strong>kur<strong>de</strong></strong> se trouverait contestée.<br />

La Constitution irakienne prévoit un<br />

référendum à la fin <strong>de</strong> 2007 pour établir<br />

définitivement cette limite et déci<strong>de</strong>r si la<br />

province <strong>de</strong> Kirkouk, riche en pétrole,<br />

sera intégrée au Kurdistan ou restera<br />

dans l'Irak arabe. Bagdad <strong>de</strong>vrait gar<strong>de</strong>r<br />

un statut <strong>de</strong> « région capitale » pour le<br />

pays dans son ensemble, mais elle <strong>de</strong>vra<br />

peut-être être, elle aussi, partagée afin <strong>de</strong><br />

refléter sa division <strong>de</strong> facto entre un<br />

secteur occi<strong>de</strong>ntal sunnite et un secteur<br />

oriental chiite.<br />

S'il est pratiquement sûr que le<br />

Kurdistan <strong>de</strong>viendra indépendant dans<br />

un avenir pas si éloigné, le fait que sunnites<br />

et chiites irakiens soient animés d'un<br />

même sentiment national pourrait leur<br />

permettre <strong>de</strong> coexister <strong>de</strong> façon plus ou<br />

moins lâche au sein d'un même Etat. De<br />

toutes les populations irakiennes, seuls<br />

les Arabes sunnites s'opposent à la partition<br />

- certains par nostalgie <strong>de</strong> l'époque<br />

où ils dirigeaient le pays, d'autres parce<br />

qu'ils rejettent tout ce qui s'est passé<br />

<strong>de</strong>puis que Saddam Hussein a été chassé<br />

du pouvoir. Mais puisque le Kurdistan<br />

existe déjà et que le Parlement irakien a<br />

voté une loi approuvant la création d'une<br />

région chiite, les sunnites ont le choix<br />

entre créer leur propre région ou <strong>de</strong>venir<br />

un vi<strong>de</strong> politique coincé entre le<br />

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