Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REvuE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RNISTA STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASlN ÖZETi
programme de développement planifié sur plus de
vingt ans. se dessine .une va~te entre~rise ~e
reprise en main de la région par I Etat. les investissements
d'Ankara dans le sud-est du pays. les
plus importants jamais entrepris. visent dans une
large mesure à désamorcer les velléités d'aut~n~mie
des populations kurdes et surtout à marginaliser
les militants du Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK) dans des zones montagneuses.
fi Dans la philosophie gtJntJrale du GAP, note un
diplomate occidental, on retrouve /'id_ du plan de
Constantine (2) selon laquelle un effort de dtJve/oppement
konomique peut contribuer IJ rtJsoudre les
questions politiques. »
Jusque dans les régions les plus reculées, les
travaux d'infrastructure vont bon train. Ainsi. à
Ceylanpinar. ville frontiltre avec la Syrie. située sur
le fleuve El Khabour, une vingtaine d'ouvriers
s'échinent dans la chaleur accablante de l'été à
poser des conduites d'égouts. Jusqu'à présent les
villageois rejetaient l'eau domestique usée directement
dans les rues. comme le' prouvent les innombrables
rigoles qui serpentent autour des habitations.
l'ingénieur turc responsable du chantier
explique qu'une station de traitement sera bientOt
construite afin de permettre une réutilisation des
eaux usées dans l'agriculture.
Comme tient à le souligner M. Olcay Unver. files
investissements btJntJficieront IJ tous, et pas simplement
aux agriculteurs, car nous voulons bltir
sussi un secteur industriel fort. Au total, le GAP va
permettre Is crtlation de 3 millions d'emplois JI. Cet
effort considérable sera accompagné d'un plan de
développement des voies de communication. Une
super-autoroute à six voies. baptisée autoroute
transeuropéenne. reliera les villes d'Adana. Gazantiep.
Urfa et Diyarbakir. Elle sera couplée à une
nouvelle ligne de chemin de fer. En effet, les autorités
ont décidé de démanteler à terme celle qui
longe la frontiltre avec la Syrie, jugée peu sare. Un
aéroport international est prévu à Urfa. l'installation
de cet ensemble d'infrastructures et la bonification
des terres agricoles prlts de la frontiltre
syrienne constitueront un bon moyen de contrOler
la région. Un réseau serré de voies de communication
peut aussi servir à faciliter le déplacement des
forces de sécurité tandis que la ma1trise de l'approvisionnement
en eau de l'agriculture locale représente
un puissant levier d'encadrement des
paysans entre les mains des autorités.
Officiellement. le GAP vise à fixer la population
sur place en lui fournissant du travail dans l'agriculture.
l'industrie et les services. fi Si les Kurdes sont
occuptJs IJ travail/er, ils n'auront plus le temps de
se battre JI, résume crament un agronome turc installé
à Urfa. Actuellement, les inégalités .de niveau
de vie entre le sud-est anatolien et le reste de la
Turquie sont criantes: alors que le revenu. annuel
moyen par têt~ avoisine les 2 000 dollars en Turquie.
il ne dépasse pas les 500 dollars dans les
zones kurdes. Pour les responsables turcs. ce
fossé socio-économique constitue un terreau propice
à la propagation des thltses du PKK au sein
d'une population locale, longtemps abandonnée à
un sous-développement chronique.
la mise én place d'une agriculture mécanisée
devrait accentuer l'exode rural déjà en cours : les
petits paysans seront alors peu à peu contraints de
vendre leurs lopins de terre et d'aller travailler dans
les grands centres urbains de la région (Diyarbakir,
Gaziantep. Urfa, ...) afin de fournir la main-d'œuvre
au s~el#' industriel (agro-alimentaire. textile.
mécanlq\le .... h Clt~.départs constitueront alors
autant de relais en' ~oins pour le PKK dans les
campagnes, progressi~ment vidées.
Par ailleurs'. des villages et des vallées ,seront
inol'ldés. Déjà. le barrageAta~Qrk ~ provoqué.
selonM. Neèmettin Sasaoglu. responsable du service
d'information au barrage, la destruction de
116 villages, forçant ainsi prh de
55 000 personnes à quitter la région. Une partie
d'entre elloont 411 relogées dans de nouveaux
villagesconstl1Jits Il8r les autorités comme à Samsat
;'l~àUfrés ont reçu On pécule pour s'installer
ailleurs. Pour M. Ibrahirr/ .Aksoy. secrétaire général
du PlmÎ d'êmocratique (DEP),favorable aux revendications
kurdes, fi ces optJrations visent IJ dtJtruire le
patrimoine historique kurde, comme IJ Hssankeyf,
qui sers complètement submergtJ. L'Etat turc,
devant ce processus de destruction, veille soigneusement
IJ changer le nom des villages JI.
Certains milieux officiels espltrent même susciter
à terme un mouvement migratoire de populations
de souche turque de "Ollest du pays vers le sudest
anatolien, promis à un regain d'activité. fi Pourquoi
un entrepreneur d'Izmir ne pourrait-il pas crtJer
une entreprise IJ Diyarbakir et s'y installer avec ses
ouvriers? JI, s'interroge M. Yaçar Yakiç. sous-secrétaire
d'Etat adjoint pour les affaires économi*
ques, qui poursuit: fi Imaginez qu'un' Breton en
France ne puisse pas s'implanter dans le Midi I Je
crois donc que des courants d'tJmigration vont
s' tJtablir de manière naturelle en direction des
rtJgions du GAP. JI.
Sédentariser les tribus
DES programmes de sédentarisation des tribus
nomades kurdes sont aussi prévus : entre
20 000 et 50 000 personnes seraient concernées.
fi Nous avons mentJ des enqu'tes sur le terrain,
explique M. Ibrahim Tugrul. sociologue travaillant
au GAP ; ces populations veulent se fixer dans des
vii/ages construits en dur, car leurs conditions de
vie se sont considtJrablement dtJgradtJes ces qernières
anntJes. L'augmentation des surfaces cultivtJes
et r urbanisation ont rtJtrtJci leur territoire de
migration. Leur mode de vie ne convenait plus aux
tJvolutions actuelles, eux-m'mes en sont d'ailleurs
conscients. »
Mais les plans de développement. qui visent finalement
à remodeler le tissu socio-économique de la
région et à arrimer solidement le sud-est anatolien
à la mère patrie. embarrassent les responsables
des organisations kurdes. Signe révélateur, les
rebelles du PKK n'ont jamais pris pour cible les
installations liées au GAP. alors qu'ils n'ont pas
hésité à s'attaquer au secteur touristique.
Pour expliquer cette réserve du PKK. plusieurs
explications sont possibles. D'abord les populations
locales seraient ies premières victimes d'attaques
contre les systèmes d'irrigation. les barrages
ou les centrales hydroélectriques. En outre, les
ouvrages « lourds lt du GAP, comme le barrage
AtatOrk ou les tunnels jumeaux d'Urfa. ne se
situent pas dans les zones d'activité du PKK,
situées beaucoup plus à l'est. et sont protégés par
des mesures de sécurité très strictes. Un diplomate
occidental évoque enfin un fi souci des
rebelles kurdes de mtJnager la bourgeoisie kurde et
les grands propritJtaires fonciers qui seront les prer(liers
btJntJficiaires du dtJve/oppement agricole et
industriel. Une manière de ne pas se mettre IJ dos
cette partie influente de la socitJttJ kurde, dont le
PKK pourrait avoir besoin ulttJrieurement JI.
(I) La superficie du GAP, 73 000 kilom~tres carr6s, 6Quivaut
à pm de deux fois et demie la surface de la Belgique.
(2) Lors d'un discours prononc6 le 3 octobre 1958 à
Constantine, le g6n6ra1 de Gaulle annonçait un plan quinquennal
de d6veloppement 6conomique et de promotion
culturelle et sociale de l'Alg6rie, alors' territoire français.
• Journaliste.
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