Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

REVUE DE PRESSE~PRESS REVIEW~BERHEVOKA ÇAPÊ~RNISTA STAMPA~DENTRO DE LA PRENSA~BASIN ÖZETÎ
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aux termes de la loi, le scribe risque de
@.er de la geôle pour incitation au séparatisme.
«Les kémalistes veulent gouvemer
le pays comme il y a soixante-dix
ans, tonitrue l'écrivain blâmé. C'est pourquoi
la Turquie reste bloquée entre fondamentalistes
religieux et fondamentalistes
laïcs. " Au nom de ces mêmes lois .
poussiéreuses, les médecins qui osent
soigner les rebelles
à l'est sont embastillés,
telle docteur
Ilhan Diken, qui
croupit dans un cachot
de Diyarbakir
(voir le témoignage
de Mehdi Zan a,
« La prison n° 5",
Editions Arléa).
Face à ces atermoiements,
face
aux disputes des
héritiers du kémalisme
séculier et jacobin, les sectateurs
de la charia fourbissent leurs armes.
Greffier de la moindre vindicte, héraut
du rejet de l'Europe, le parti islamiste
caracole en tête des sondages - 23 %
des intentions de vote. Certes, ses élus
accumulent les impairs, mais la campagne
pieuse a déjà levé ses étendards.
Offensé par le regard de deux statues
dans le parc Altinpark, le maire d'Ankara
a ainsi ordonné leur enlèvement.
Les sculptures, a-t-il juré la main sur le
cœur, représentaient «un couple en orgasme
". Morale prude, qui n'a pas empêché
un autre élu islamiste de finir
dans les rets de la maréchaussée: en
goguette dans les rues de la capitale,
avec deux travestis prostitués, l'islamiste
fut accusé de tapage nocturne et
d'outrage aux bonnes mœurs ...
A Istanbul, les troupes s'avèrent
prêtes pour le saint combat. Au noyau
dur de militants radicaux s'amalgament
désormais une foule de grenadiers-voltigeurs
et de supplétifs. Nombre d'intellectuels,
dont d'anciens gauchistes
perdus dans la vacuité idéologique, ont
ainsi rallié la bannière de l'islam, atten-
cc Peignez les trottoirs en
vert », a ordonné le maire
de Beyöglu. Mais il a fait
amende honorable :
cc Ne croyez pas que c'était
pour l'islam. Le ùert, c'est
bon pour les yeux... »
tifs aux prêches des maitres à pen,-,:?r.
L'un d'eux délivre des serme-lls dlflammés,
par voie de presse ou sur les
ondes des chaînes islamistes. Longiligne,
la barbe finement taillée, Abdurrahman
Dilipak, 55 ans, préfère siéger
de l'autre côté du Bosphore, sur la rive
asiatique, comme un conquérant ottoman
face aux remparts lézardés, à la
magnificence et la
décadence de
Constantinople. A
l'étranger soucieux
de sonder ses vénérables
paroles, le
penseur oppose
une pure vénalité.
300 francs le questionnement,
qui
transite par
l'agence islamiste
Teha ... Pour les
quêteurs peu nantis
ou suspicieux, 100 francs suffiront,
mais le dialogue à ce prix ne souffre
que la transmission par fax. Où il est
prédit que l'islam gagnera tôt ou tard
son trône turc. Où il est énoncé que les
partis laks miment l'Occident décrié.
Où il est affirmé sans ambages que le
parti Refah flotte comme un navire sur
la mer montante de l'islam.
Malgré son radicalisme, Dilipak, auteur
d'une trentaine d'ouvrages dont
«Les guerriers de l'islam» et Il Vers la
société islamique »,continue à rameuter
de nouveaux partisans sur les terres
du kémalisme. Tel Atilgan Bayar, 25 ans,
le cheveu ras et le visage glabre.
Conseiller de plusieurs éminences de
l'islam pur et dur, il ne craint pas les
paradoxes: en jeans et bottes camarguaises,
téléphone mobile à la ceinture,
il fréquente moins les mosquées que le
Roxy, une boîte de nuit branchée du
centre d'Istanbul, dont les deux patrons
ce soir-là, poignets et tête enveloppés
dans des bandages teintés de mercurochrome,
s'amusent à décrier les dégâts
occasionnés par la dernière fête
religieuse - 250 morts sur les routes en
Erdogan (maire d'Istanbul), Erbakhan (chef du Refah) et Gökcek (maire d'Ankara)
.'-':TUr,l{lY~'.q~rl';\J'
tr(lis jours. Ulli, aradoxe: Atilgan,
mentor des nûUVeiiLLX princes d'Istanbul,
aVaLe un "théisrne tenace ... «Si je
les ai rejoints, confesse-t-il, c'est pour
tenter d'empêcher l'affrontement entre la
société et l'Etat" Aveu qui sonne comme
une sinistre prémonition et qui appuie
les incantations de Necmettin Erbakhan,
le chef du Refah: «La Turquie passem
inévitablement à l'ordre juste. La question,
c'est la période de transition. Va-telle
se faire par la douceur ou par la violence
? Gentiment ou par le sang?"
Sur les rives du Bosphore, plongé~'.
dans une guérilla du signe et du sym
baie, obscurantistes et nombre d'intel.
lectuels libéraux se donnent donc la
main, à la recherche d'une «synthèse
musulmane». Comme si la Turquie entière
tergiversait entre l'Islam radical,
tempéré pourtant par le jeu des confréries
traditionnelles, et l'Europe, quêtée
comme antidote au fondamentalisme.
Mais les oracles stambouliotes demeurent
soumis au crible des généraux,
derniers remparts du kémalisme. Trois
fois en trente-cinq ans, l'armée est sortie
de ses quartiers pour prendre les
rênes du pays. «Si le Refah gagne,
même avec la majorité r.elative, aux prochaines
législatives (prévues à l'automne
1996), assure un proche de Ciller, an--
cien diplomate, c'est le coup d'Etat!"
La mémoire d'Atatürk
Malgré ces menaces, les porte-parole
de 1'«ordre juste» poursuivent leur lutte
-à ciel ouvert ou par infiltration des ministères
et des institutions. Foin des
bruits de bottes! Les ordinateurs, les
centaines de milliers de fiches constituées,
le contrôle de la rente foncière
dans les mairies tenues par le Refah représenteront
autant d'armes de choix.
«Il faut restaurer le califat à Istanbul,
et transformer l'église Sainte-Sophie en
mosquée';, clame dans son bureau de
l'Assemblée Hasan Mesarci. Cet ancien
prédicateur de mosquée, devenu député
d'Istanbul, s'estime héritier,
«comme tous les Turcs ", de la grandeur
ottomane. Thuriféraire isolé de la charia,
dira-t-on. Certes, mais tonitruant,
~ apte à jeter dans les rues des épigones
o voués au culte des martyrs. «Atatürk
est pire que Hitler. Il a oppressé les
croyantS", lance-toilsans crainte du blasphème.
Le père de la nation S'Pli retourn~
ait dans son mausolée ... Faut-
H lire derrière la plaque au nom du
parlementaire islamiste une destinée
de justicier, ou bien de croque-mort de
l'idolâtrie? Mesarci signifie «celui qui
creuse le tombeau Il. D'autres portent
encore aux nues la statue d'Atatürk,
pourtant ébréchée comme une vieille
porcelaine du palais des sultans. Lancé
dans sa croisade du verbé, porté par
les nouvelles sirènes du Bosphore, le
partisan de la charia se contente, lui,
de creuser lentement son sépulcre. _