Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
REVUE DE PRESSE-PRESS REVIEW-BERHEVOKA ÇAPÊ-RIVISTA STAMPA-DENTRO DE LA PRENSA-BASIN ÖZETi<br />
.turc, <strong>et</strong> sillonné par <strong>de</strong>s cargos <strong>et</strong> paquebots<br />
aux sir~nes stri<strong>de</strong>ntes.<br />
TIes sirènes, Ozgul Eren, ancien architecte<br />
reconverti dans le prosélytisme,<br />
en délivre à la pelle, par voie<br />
hertzienne. Envoûtantes à souhait,<br />
propres à séduire non les marins mais<br />
les terriens, les paysans, les exilés <strong>de</strong>s<br />
plaines lointaines d'Anatolie, perdus.<br />
dans la gran<strong>de</strong> ville d'Istanbul <strong>et</strong> en-<br />
- clins à r<strong>et</strong>rouver <strong>de</strong>s racines oubliées. A<br />
longueur <strong>de</strong> journée, les ém<strong>et</strong>teurs <strong>de</strong><br />
Kanal 7 propagent la sainte parole,<br />
prêche d'un règne annoncé. Point <strong>de</strong><br />
censure outrancière: entre les murs <strong>de</strong><br />
ces studios <strong>de</strong> fortune, on tolère les débats<br />
contradictoires, les femmes non<br />
voilées, les <strong>de</strong>ssins animés d'Occi<strong>de</strong>nt,<br />
univers pourtant honni hors antenne.<br />
Et peu importe à ces prédicateurs patentés<br />
que leur audience baisse lorsque<br />
les chaines privées, au crépuscule, prom<strong>et</strong>tent<br />
aux foyers stambouliotes jupons,<br />
danses lascives <strong>et</strong> blon<strong>de</strong>s effeuillées.<br />
Ceux-là savent que le grand<br />
soir enveloppera bientôt ces rivages<br />
aux mœurs maudites. La conquête <strong>de</strong>s<br />
. âmes sur les bords du Bosphore s'effectue<br />
aussi par les on<strong>de</strong>s. Et le p<strong>et</strong>it<br />
écran, clament-ils avec l'assurance <strong>de</strong>s<br />
zélateurs <strong>de</strong> « l'ordre juste», ne constitue<br />
que le prolongement naturel <strong>de</strong>s<br />
minar<strong>et</strong>s.<br />
Depuis un an, Istanbul, la «vieille<br />
main couverte <strong>de</strong> bijoux tendue vers t'Europe»<br />
que vénérait Cocteau, s'est parée<br />
<strong>de</strong> nouveaux atours. Des bagues<br />
.vertes, aux couleurs <strong>de</strong> l'Islam, davantagè<br />
tournées vers l'Orient. En mars<br />
1994, les islamistes du Refah Partisi, le<br />
Parti <strong>de</strong> la prospérité, conquièrent les<br />
gran<strong>de</strong>s villes. Istanbul, Ankara <strong>et</strong><br />
d'autres cités, sYII!boles <strong>de</strong> la laïcité<br />
turque, imposée en 1926 par Kemal<br />
Atatürk; le « Père <strong>de</strong> tous les Turcs»,<br />
tombent dans leur escarcelle. Horreur,<br />
clament les Stambôuliotes. Puis la peur<br />
le cè<strong>de</strong> à une curiosité. Quid <strong>de</strong> l'obscurantisme<br />
tant redouté?<br />
On déménage les vespasiennes<br />
At, l'usure du pouvoir les « maires<br />
verts» du Refah sont désormais<br />
confrontés. «Istanbul, c'est un ca<strong>de</strong>au<br />
empoisonné », persiflent les « laïcards».<br />
Passent encore les décisions <strong>de</strong> pacotille<br />
... A peine intronisé, le nouveau<br />
.maître d'Istanbul, Recep Tayip Erdogan,<br />
décréta que les toil<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> la mairie<br />
n'étaient pas en o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> saint<strong>et</strong>é.<br />
Tournées vers La Mecque, elles gênaient<br />
l'élu, qui ordonna <strong>de</strong> déplacer<br />
les vespasiennes en <strong>de</strong>s lieux moins<br />
.profanes. Quant à la sécheresse légendaire<br />
d'Istanbul, le maire, pour la<br />
contrer, s'en est remis à la puissance<br />
divine. Plus <strong>de</strong> fusées atmosphériques<br />
pour inciter les nuages à s'épandre, les<br />
prières collectives suffiront. Mais les<br />
incantations <strong>de</strong>s muftis sont restées<br />
vaines, <strong>et</strong> face aux errements <strong>de</strong>s cieux,<br />
MONDI<br />
Erdogan, l'âme en peine, a dû renouer<br />
avec la technologie décriée. Les<br />
gran<strong>de</strong>s réformes, eUes, dorment encore<br />
dans les tiroirs ...<br />
«Avec ses douze millions d'habitants,<br />
Istanbul est une ville ingérable », avance<br />
un diplomate turc, en écho au portrait<br />
qu'en fit le romancier Yachar Kemal:<br />
«Une ville au cœur rongé par <strong>de</strong>s milliers,<br />
<strong>de</strong>s millions <strong>de</strong> vers grouillants, où<br />
tout pourrit, l'eau, le sel, <strong>et</strong> jusqu'aux<br />
pierres <strong>et</strong> jusqu'aux f1ommes.'; La corruption,<br />
que décriaient hier encore les<br />
fondamentalistes à l'assaut <strong>de</strong>s villes ?<br />
«Au lieu <strong>de</strong> graisser la patte <strong>de</strong>s employés<br />
<strong>de</strong> mairie pour avoir l'eau ou un<br />
permis <strong>de</strong> construire, lance Okay Gönensin,<br />
directeur du quotidien Yeni YÜzyil<br />
("Nouveau Siècle ''), on paie désormais<br />
une fondation islamique!»<br />
Depuis leur victoire, il est vrai, les<br />
LA TURQUIE EN CHIFFRES<br />
République: <strong>de</strong>puis 1923 ; laïcité<br />
instaurée en 1924 ; prési<strong>de</strong>nt: Süleyman<br />
Demirel (<strong>de</strong>puis 1993); Premier<br />
ministre: Tansu Ciller (<strong>de</strong>puis<br />
1993).<br />
Population: 62 millions d'habitants,<br />
dont 12 à 15 millions <strong>de</strong> Kur<strong>de</strong>s.<br />
D<strong>et</strong>te extérieure: 65 milliards<strong>de</strong> dollars.<br />
Croissance: - 5,4 % en 1994; prévisions<br />
pour 1995: 3 %.<br />
Inflation: 90 %.<br />
Pouvoir d'achat: - 15 à 20 % en<br />
1994.<br />
édiles qui brandissent le Coran n'ont<br />
eu <strong>de</strong> cesse <strong>de</strong> songer à <strong>de</strong>s mannes<br />
bien peu célestes: les caisses <strong>de</strong> leur<br />
parti. L'un <strong>de</strong>s dirigeants, Süleyman<br />
Mercûmek, qui feint l'apostolat, est ainsi<br />
accusé d'avoir détourne <strong>de</strong>s dons pour<br />
la Bosnie - plusieurs millions <strong>de</strong> dollars<br />
... C<strong>et</strong> homme d'affaires,' qui<br />
compte <strong>de</strong>s intérêts dans le charbon,<br />
l'édition <strong>et</strong> la construction, brasse <strong>de</strong>s<br />
sommes astronomiques. <strong>de</strong>stinées au<br />
parti. 250 millions <strong>de</strong> dallais, en provenance<br />
d'Arabie saoudite, <strong>de</strong> la Ugue<br />
islamique mondiale <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'émigration<br />
turque en Allemagne, auraient ainsi<br />
transité entre ses mains. Quitte à ce<br />
qu'il empO'che au passage <strong>de</strong> substantielles<br />
commissions, plus tangibles que<br />
les promesses <strong>de</strong> paradis. De généreux<br />
bienfaiteurs cè<strong>de</strong>nt-ils une large aumône<br />
pour construire une université<br />
islamique? Mercümek s'empresse <strong>de</strong><br />
revendre le terrain à <strong>de</strong>s ouvriers turcs.<br />
La justice enquête. Les fins limiers d'In- .<br />
terpol, eux, ont tranché: <strong>de</strong>rrière<br />
l'homme pieux se cache un redoutable<br />
blanchisseur d'argent sale.<br />
Dans son palais rose qui domine les<br />
eaux <strong>de</strong> la Corne d'or, bras du Bosphore,<br />
le maire islamiste <strong>de</strong> Beyöglu,<br />
quartier chic d'Istanbul <strong>et</strong> ancienne ville<br />
<strong>de</strong>s Génois au temps <strong>de</strong> Constantinople,<br />
ne veut rien entendre <strong>de</strong> ces accusations<br />
irrévérencieuses. « Allah reconnaîtra<br />
les siens», professe-t-il en<br />
substance. Ingénieur <strong>de</strong>Jormation, Nusr<strong>et</strong><br />
Bayraktar; qui arbore un costume<br />
bien peu traditionnel- veste orange <strong>et</strong><br />
chemise bleu sombre à la mo<strong>de</strong> - jure<br />
que la cité se porte mieux. Sans doute<br />
parce que ses frasques <strong>et</strong> désirs <strong>de</strong> noU:<br />
veau vizir ont été amendés ... Les caf<strong>et</strong>iers,<br />
porte-drapeau du péché, ont ains!<br />
été sommés <strong>de</strong> rapatrier sous leur toit<br />
les tables <strong>de</strong>s trottoirs, vitrines d'un alcool<br />
surabondant <strong>et</strong> <strong>de</strong> jeunes filles en<br />
décoll<strong>et</strong>é. Tollé dans la ville. Le maire a<br />
reculé, <strong>et</strong> les effluves du raki envahissent<br />
toujours les rues du quartier, fréquentées<br />
par <strong>de</strong>s amants que nul sermon<br />
ne semble pouvoir séparer.<br />
Autre combat, digne d'un calife: la<br />
couleur <strong>de</strong>s trottoirs. «Peignez-les en<br />
vert», a ordonné le maire à son bataillon<br />
d'employés municipaux. Nouvelle tempête.<br />
Le maire a fait amen<strong>de</strong> honorable.<br />
«Ne croyez pas que c'était pour l'islam,<br />
se justJfie Bayraktar avec la fausse ingénuité<br />
<strong>de</strong>s vrais conspirateurs. Le vert,<br />
c'est bon pour les yeux. Deman<strong>de</strong>z donc<br />
à votre mé<strong>de</strong>cin ... »<br />
1 000 mosquées par an<br />
A l'entendre, la takkiye, l'art <strong>de</strong> la dissimulation<br />
que partageaient Persans <strong>et</strong><br />
Ottomans dans les cours impériales, ne<br />
reste pas l<strong>et</strong>tre morte entre les mu- ..<br />
railles d'Istanbul. Comme la palinodie.<br />
«Banalisation du discours», disent cer:<br />
tains détracteurs. «Au contraire, s'in- .<br />
surgent les autres: ils ne veulent plus<br />
effrayer pour mieux prendre le pouvoir. » .<br />
Reproche-t-{)n au secrétaire général du<br />
Refah, Oguzhan Asiltürk, les <strong>de</strong>rnières<br />
affaires <strong>de</strong> corruption <strong>et</strong> la montée<br />
d'une mafia islamiste, il balaie d'un<br />
geste altier ces griefs <strong>et</strong> parle <strong>de</strong> son<br />
rêve <strong>de</strong> conquête, « en fidèle Ottoman» :<br />
les quatre coins du pays, du bazar d'Istanbul<br />
au fin fond <strong>de</strong> l'Anatolie.<br />
Curieuse symbiose, tout <strong>de</strong> même,<br />
qui règne dans les rues d'Istanbul, <strong>et</strong><br />
au-<strong>de</strong>là, dans la Turquie entière. Deux<br />
mon<strong>de</strong>s cohabitent <strong>et</strong> s'épient au pays<br />
d'Atatürk: le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la tessekur, la<br />
stricte tenue islamique, que présentent<br />
avec une ostentation toute militante.<br />
<strong>de</strong>s boutiques sans cesse plus nom- ..<br />
breuses, <strong>et</strong> celui <strong>de</strong>s boléros audacieux;<br />
celui <strong>de</strong>s minar<strong>et</strong>s en chantier -<br />
1000 mosquées surgissent cbaque an-<br />
. née <strong>de</strong>s entrailles turques'-'-\ <strong>et</strong> celui <strong>de</strong>s<br />
piliers lézardés du kémalisme, l'idéo- ~<br />
134