Special Issue IOSOT 2013 - Books and Journals
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94 A. Lemaire / Vetus Testamentum IOSOT (2013) 87-98 en Cn. ii 1241? La philologie et l’analyse du contexte du Cantique nous orientent dans cette direction. La forme nominale zāmīr, forme de schème qātīl, est une forme assez rare, peut-être une forme infinitive42, qui se retrouve dans les noms ’āsīp, ḥārīš, qāṣīr et bāṣīr 43, dénotant les principales activités agricoles du paysan palestinien et nous renvoie donc directement à la liste de la tablette de Gézer. De façon plus précise, le syntagme ʿēt hazzāmīr de Cn. ii 12 est parallèle au syntagme ʿēt haqqāṣīr, « le temps de la moisson »44 de Jr. li 33. Ces deux remarques philologiques montrent clairement que le sens de zāmīr, en Cn. ii 12, est parallèle à celui de qāṣīr, c’est à dire qu’on doit lui donner la même valeur sémantique que dans la tablette de Gézer ; ʿēt hazzāmīr signifie donc « le temps de la vendange », expression dont l’emploi s’explique très bien par l’importance psychologique de cette activité dans la vie d’un paysan de Palestine. Notons par ailleurs que l’emploi de zāmīr au lieu de bāṣīr pour signifier la « vendange » est tout à fait en harmonie avec le caractère particulier de la langue du Cantique des Cantiques où l’on reconnait généralement de nombreuses traces d’archaïsmes45. Si ʿēt hazzāmīr, en Cn. ii 12, désigne « le temps de la vendange », et la philologie semble imposer cette interprétation, le contexte naturel du Cantique n’est pas le printemps, comme le pensent la plupart des commentateurs, mais plutôt le tout début de l’été, la fin du mois de juin, quelque part autour du solstice d’été. Il faudrait donc reprendre ici tous les détails de la description de la nature pour vérifier s’ils peuvent correspondre au cadre du mois de juin. Cette analyse se heurte à des difficultés philologiques si nombreuses que 41) Il nous semble que cette question n’a été posée que par H. Vincent (RB. VI 1909, p. 251, note 7) et encore ne la pose-t-il qu’en passant. 42) Cf. P. de Lagarde, Übersicht über die im Aramäischen, Arabischen und Hebräischen übliche Bildung der Nomina, Göttingen 1889, p. 173. 43) Cf. déjà K. Budde, Die Fünf Megillot, Freiburg 1898, p. 11 ; P. Joüon, Le Cantique des Cantiques, Paris 1909, p. 166 ; E. Kautzsch, Gesenius’ Hebrew Grammar, Oxford 1910, p. 231, § 84al ; G. Gerleman, Ruth, Das Hohelied, Neukirchen 1965, p. 124. 44) La référence à des travaux agricoles pour dater un événement est usuelle en hébreu biblique, cf. R. de Vaux, Les institutions de l’Ancien Testament I, Paris 2 1961, p. 280. 45) Certains auteurs font remonter la préhistoire du Cantique jusqu’à l’époque de Salomon, ainsi, M. H. Segal, « The Song of Songs », VT XII, 1962, pp. 470-490, spéc. pp. 481 ss ; M. H. Segal, The Pentateuch, its Composition and its Authorship and other Biblical Studies, Jerusalem 1967, p. 234. La plupart des commentateurs se contentent de souligner les « archaïsmes » du Cantique, ainsi, surtout : W. F. Albright, « Archaic Survivals in the Text of Canticles », dans Hebrew and Semitic Studies presented to G. R. Driver, éd. D. W. Thomas—W. D. McHardy, Oxford 1963, pp. 1-7 ; A. Robert—R. Tournay, Le Cantique des Cantiques, Paris 1963, p. 21.
A. Lemaire / Vetus Testamentum IOSOT (2013) 87-98 95 nous nous contenterons ici de quelques remarques sur le contexte littéraire le plus immédiat. En Cn. ii 11, il est dit que le setāv est passé, et on traduit généralement setāv par « hiver », cependant ce mot désigne plus précisément « la saison humide »46 opposée à la « saison sèche ». Or, en Palestine, la saison humide dure jusqu’au mois d’avril ; ce verset vise donc, au plus tôt, le début du mois de mai, et, de façon générale, le début de la saison sèche dans lequel on peut inclure naturellement le mois de juin. Les fleurs et les oiseaux de Cn. ii 12 sont tout autant caractéristiques du tout début de l’été47 que du printemps, saison qui est d’ailleurs typiquement occidentale et ne correspond pas au climat palestinien48. La maturation des figues, à laquelle il est fait allusion en Cn. ii 13 est certainement postérieure aux mois de mars-avril, époque à laquelle les figuiers sont en fleur, et caractéristique du mois de juin49. Il est surtout un verset qui nous semble caractéristique du mois de juin : Attrapez-nous les renards, les petits renards ravageant les vignes . . . (Cn. ii 15). La plupart des commentateurs ont été embarassés par ce verset : comment les renards peuvent-ils ravager les vignes aux mois de mars-avril, alors que les raisins sont à peine formés? Or ce verset est parfaitement clair : les vignerons de tous les pays savent bien que les renards aiment s’introduire dans les vignobles et dévorer les raisins dès que ceux-ci commencent à mûrir50 ; si les renards sont dans les vignes, cela veut dire que le temps de la vendange est arrivé ! 46) L. koehler—W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti Libros, Leiden 1953, p. 668. F. M. Abel, Géographie de la Palestine I, Paris 2 1967, p. 123, estime que la saison des pluies est « délimitée en gros entre le 15 octobre et le 15 mai ». 47) Ainsi J. Winandy, Le Cantique des Cantiques, Casterman 1960, p. 39, fait remarquer que le roucoulement de la tourterelle est probablement lié à son départ en migration au début de l’été. 48) En effet, le climat palestinien se divise essentiellement en deux saisons, cf. J. Sonnen, « Landwirtschaftliches vom See Genesareth », Biblica VIII, 1927, p. 65 ; R. de Vaux, Les institutions de l’ A.T. I, Paris 2 1961, p. 288 ; F. M. Abel, Géographie de la Palestine I, Paris 3 1967, p. 114. On peut remarquer que l’hébreu biblique n’a pas de mot pour signifier « printemps » ou « automne ». 49) Cf. A. G. Barrois, Manuel d’archéologie biblique I, Paris 1939, p. 334 : les figues hâtives « ne mûrissent qu’en juin » ; cf. aussi H. N. Moldenke, Plants of the Bible, New York 1952, p. 105. 50) Cf. la célèbre fable de J. de La Fontaine : « Le renard et les raisins verts ». Cf. H. Vincent, RB. VI 1909, p. 251 ; A. G. Barrois, op. cit. I, p. 329 : « La tour de garde est un des éléments familiers du paysage dans le vignoble palestinien. En effet, dès que le raisin commence à mûrir, les vignes s’animent. Des gardiens salariés protègent la vendange contre les maraudeurs et surtout contre les chacals et les renards ; ces animaux, très avides de raisins frais, font, en effet, si l’on n’y met bon ordre, de grands dégâts . . . ».
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A. Lemaire / Vetus Testamentum <strong>IOSOT</strong> (<strong>2013</strong>) 87-98 95<br />
nous nous contenterons ici de quelques remarques sur le contexte littéraire le<br />
plus immédiat.<br />
En Cn. ii 11, il est dit que le setāv est passé, et on traduit généralement<br />
setāv par « hiver », cependant ce mot désigne plus précisément « la saison<br />
humide »46 opposée à la « saison sèche ». Or, en Palestine, la saison humide<br />
dure jusqu’au mois d’avril ; ce verset vise donc, au plus tôt, le début du mois<br />
de mai, et, de façon générale, le début de la saison sèche dans lequel on peut<br />
inclure naturellement le mois de juin. Les fleurs et les oiseaux de Cn. ii 12 sont<br />
tout autant caractéristiques du tout début de l’été47 que du printemps, saison<br />
qui est d’ailleurs typiquement occidentale et ne correspond pas au climat<br />
palestinien48. La maturation des figues, à laquelle il est fait allusion en Cn. ii<br />
13 est certainement postérieure aux mois de mars-avril, époque à laquelle les<br />
figuiers sont en fleur, et caractéristique du mois de juin49.<br />
Il est surtout un verset qui nous semble caractéristique du mois de juin :<br />
Attrapez-nous les renards, les petits renards ravageant les vignes . . . (Cn. ii 15).<br />
La plupart des commentateurs ont été embarassés par ce verset : comment les<br />
renards peuvent-ils ravager les vignes aux mois de mars-avril, alors que les raisins<br />
sont à peine formés? Or ce verset est parfaitement clair : les vignerons de<br />
tous les pays savent bien que les renards aiment s’introduire dans les vignobles<br />
et dévorer les raisins dès que ceux-ci commencent à mûrir50 ; si les renards<br />
sont dans les vignes, cela veut dire que le temps de la vendange est arrivé !<br />
46) L. koehler—W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti Libros, Leiden 1953, p. 668.<br />
F. M. Abel, Géographie de la Palestine I, Paris 2 1967, p. 123, estime que la saison des pluies est<br />
« délimitée en gros entre le 15 octobre et le 15 mai ».<br />
47) Ainsi J. Win<strong>and</strong>y, Le Cantique des Cantiques, Casterman 1960, p. 39, fait remarquer que le roucoulement<br />
de la tourterelle est probablement lié à son départ en migration au début de l’été.<br />
48) En effet, le climat palestinien se divise essentiellement en deux saisons, cf. J. Sonnen, « L<strong>and</strong>wirtschaftliches<br />
vom See Genesareth », Biblica VIII, 1927, p. 65 ; R. de Vaux, Les institutions de l’<br />
A.T. I, Paris 2 1961, p. 288 ; F. M. Abel, Géographie de la Palestine I, Paris 3 1967, p. 114. On peut remarquer<br />
que l’hébreu biblique n’a pas de mot pour signifier « printemps » ou « automne ».<br />
49) Cf. A. G. Barrois, Manuel d’archéologie biblique I, Paris 1939, p. 334 : les figues hâtives « ne<br />
mûrissent qu’en juin » ; cf. aussi H. N. Moldenke, Plants of the Bible, New York 1952, p. 105.<br />
50) Cf. la célèbre fable de J. de La Fontaine : « Le renard et les raisins verts ». Cf. H. Vincent, RB.<br />
VI 1909, p. 251 ; A. G. Barrois, op. cit. I, p. 329 : « La tour de garde est un des éléments familiers<br />
du paysage dans le vignoble palestinien. En effet, dès que le raisin commence à mûrir, les vignes<br />
s’animent. Des gardiens salariés protègent la vendange contre les maraudeurs et surtout contre<br />
les chacals et les renards ; ces animaux, très avides de raisins frais, font, en effet, si l’on n’y met<br />
bon ordre, de gr<strong>and</strong>s dégâts . . . ».