Special Issue IOSOT 2013 - Books and Journals
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90 A. Lemaire / Vetus Testamentum IOSOT (2013) 87-98 Le mot suivant, zmr, a été généralement traduit « taille (de la vigne) »17. Cependant quelques auteurs, plus attentifs au cycle des travaux saisonniers en Palestine, ont pensé que ce mot désignait la « vendange »18. Examinons rapidement ces deux traductions, d’abord du point de vue philologique, puis du point de vue du contexte culturel. Le dictionnaire de L. Köhler-W. Baumgartner19 rattache le mot zmr à une racine zmr II signifiant « couper ». A partir de ce sens fondamental, la plupart des commentateurs ont tout naturellement pensé qu’il s’agissait ici de la « taille (de la vigne) » ; celle-ci « consiste à supprimer partiellement ou totalement certains organes, tels que rameaux, bourgeons, feuilles . . . On opère à la serpette ou, plus fréquemment, au sécateur »20. Mais, en gardant la référence à un travail viticole, ne faudrait-il pas mieux penser à la « vendange »? En effet, celle-ci consiste aussi à « couper » : « le raisin est coupé à la serpette, au sécateur ou même à l’aide de ciseaux »21. Les deux travaux sont donc semblables et se font avec le même instrument22, appelé mazmērāh23 ou mezammeret en hébreu24. Les deux traductions de zmr, « taille » et « vendange », peuvent donc se justifier du point de vue philologique. Seule l’analyse du contexte littéraire et culturel peut nous permettre d’opter entre ces deux interprétations. Dans la liste de la tablette de Gézer, la mention de la « taille » de la vigne est un peu surprenante : psychologiquement, ce travail ne constitue pas un des temps forts de la vie du paysan palestinien25. S’il fallait mentionner un travail important concernant la vigne, un paysan songerait d’abord et avant tout aux 17) Cf. spécialement, D. Diringer, Le iscrizioni . . ., p. 8 ; J. G. Février, Semitica I, 1948, p. 36 (émondage) ; J. C. L. Gibson, HMI, pp. 2 et 4 (aveʿ hésitation). 18) Cf. H. Vincent, RB VI, 1909, pp. 250-252 ; G. B. Gray, PEFQS XLI, 1909, p. 192 ; K. Marti, « Ein altpalästinensischer landwirtschaftlicher Kalendar », ZAW XXIX, 1909, p. 226 ; J. B. Chabot, Répertoire d’épigraphie sémitique (RES) III, Paris 1916, n° 1201, p. 3 ; R. M. Savignac, RB. XLIV, 1935, p. 292 ; H. L. Ginsberg, ArOr VIII, 1936, p. 147 (avec hésitation) ; U. Cassuto, SMSR XII, 1936, pp. 112-114 ; S. Moscati, EEA, pp. 16-17, 19 ; KAI II, pp. 181-182. 19) L. Köhler—W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti Libros, Leiden 1953, p. 260 ; cf. W. Baumgartner, Hebräisches und aramäisches Lexikon zum A. T., Leiden 1967, p. 263. 20) Grand Larousse encyclopédique X, Paris 1964, art. « taille » p. 145. 21) Idem, art. « vendange » p. 715. 22) Cf. aussi J. Döller, « Der Wein in Bibel und Talmud », Biblica IV, 1923, pp. 143-167 et 267-299, spéc. pp. 151 et 157. 23) Cf. A. G. Barrois, op. cit. I, p. 329. 24) On peut aussi noter que le rameau coupé s’appelle zemorāh et que ce terme semble surtout désigner le rameau portant la grappe : cf. H. Kosmala, « Mot and the Vine : the Time of the Ugaritic Fertility Rite », Annual of the Swedish Theological Institute (ASTI) III, 1964, p. 150. 25) Cf. déjà H. Vincent, RB VI, 1909, p. 252.
A. Lemaire / Vetus Testamentum IOSOT (2013) 87-98 91 « vendanges » ; l’absence de la mention de cette activité dans la liste des travaux agricoles d’un paysan de Palestine aurait de quoi étonner, comme l’ont déjà fait remarquer certains commentateurs26. De plus, « les deux mois de zmr » viennent après les deux mois de moisson (lignes 4 et 5)27 et avant « le mois de fruits d’été (qṣ) » (ligne 7)28 qui semble terminer l’année. Cette activité doit donc se dérouler approximativement de la fin du mois de juin à la fin du mois d’août. Or nous n’avons aucune attestation de la pratique de la « taille » de la vigne en Palestine pour cette saison29. Au contraire, les mois de juillet et d’août sont caractéristiques de l’activité des vendanges30, spécialement dans la Shephélah, autour de Gézer31. Dès lors, il nous semble impossible de traduire la ligne 6 de la tablette de Gézer autrement que : « les deux mois de vendange ». Cependant cette interprétation se heurte à une difficulté linguistique : l’hébreu biblique possède un autre mot, bāṣīr, pour signifier la « vendange » et il semble difficile d’admettre que deux mots différents aient eu le même champ sémantique32. Cette difficulté ne nous semble pas insurmontable : l’existence de deux mots différents pour un même champ sémantique peut s’expliquer par des différences dialectales et ces différences dialectales sont toujours importantes lorsqu’il s’agit d’objets ou d’activités liés au terroir. De façon plus précise, 26) Cf. M. Lidzbarski, « An Old Hebrew Calendar-Inscription from Gezer », PEFQS XLI, 1909, p. 29 ; H. Vincent, RB VI, 1909, p. 252 ; S. Moscati, EEA, p. 16. 27) Cf. A. G. Barrois, op. cit. I, p. 213 : « La moisson des orges se fait la première, les blés suivent à un mois de distance. Dans les districts les plus chauds, plaine philistine, Saron, ‘Emeq, la moisson s’achève avant la fin de mai, tandis que la montagne est en retard de deux à trois semaines ». 28) Cf. A. G. Barrois, op. cit. I, p. 334 à propos des figues : « La cueillette des fruits d’été, beaucoup plus abondante, n’a lieu qu’en août septembre pour la consommation immédiate et le séchage en masses ». 29) Cf. spécialement les remarques de M. Lidzbarski, PEFQS XLI, 1909, p. 29 ; R. M. Savignac, RB XLIV, 1935, p. 292 ; H. L. Ginsberg, ArOr VIII, 1936, p. 147 ; H. Michaud, Sur la pierre et sur l’argile, Neuchâtel 1958, p. 26 ; H. Kosmala, ASTI III, 1964, pp. 147 et 151. 30) Cf. spécialement T. Cana’an, ZDPV XXXVI, 1913, p. 298 ; A. G. Barrois, op. cit. I, p. 330 ; H. Kosmala, ASTI III, 1964, p. 147 : cf. surtout Talmud de Jérusalem, Yebamot XV, 2 : « lorsque se termine la moisson des orges, alors commence la moisson des blés ; lorsque se termine la moisson alors commence la vendange (bāṣīr) ; lorsque se termine la vendange, alors commence la cueillette des olives (māsīq) ». 31) Cf. spéc. H. Vincent, RB VI, 1909, p. 261 : « . . . la vendange mûrit grand train. Dès le 15 juin, on la commence dans la plaine, et le raisin devra être tout cueilli avant la fin d’août ». Son témoignage est important car il s’appuie sur celui des trappistes de Latroun, à quelques kilomètres seulement de Gézer (cf. Ibidem, p. 269, Postscriptum) ; cf. aussi W. F. Albright, BASOR 92, Dec. 1943, p. 23, note 38 ; G. E. Wright, « Israelite Daily Life », BA XVIII, 1955, p. 54. 32) Cf. D. Diringer, Le iscrizioni . . ., p. 8 ; U. Cassuto, SMSR XII, 1936, p. 114 ; J. G. FÉvrier, Semitica I, 1948, p. 36.
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Le mot suivant, zmr, a été généralement traduit « taille (de la vigne) »17.<br />
Cependant quelques auteurs, plus attentifs au cycle des travaux saisonniers<br />
en Palestine, ont pensé que ce mot désignait la « vendange »18. Examinons<br />
rapidement ces deux traductions, d’abord du point de vue philologique, puis<br />
du point de vue du contexte culturel.<br />
Le dictionnaire de L. Köhler-W. Baumgartner19 rattache le mot zmr à<br />
une racine zmr II signifiant « couper ». A partir de ce sens fondamental, la plupart<br />
des commentateurs ont tout naturellement pensé qu’il s’agissait ici de la<br />
« taille (de la vigne) » ; celle-ci « consiste à supprimer partiellement ou totalement<br />
certains organes, tels que rameaux, bourgeons, feuilles . . . On opère à la<br />
serpette ou, plus fréquemment, au sécateur »20. Mais, en gardant la référence à<br />
un travail viticole, ne faudrait-il pas mieux penser à la « vendange »? En effet,<br />
celle-ci consiste aussi à « couper » : « le raisin est coupé à la serpette, au sécateur<br />
ou même à l’aide de ciseaux »21. Les deux travaux sont donc semblables<br />
et se font avec le même instrument22, appelé mazmērāh23 ou mezammeret en<br />
hébreu24. Les deux traductions de zmr, « taille » et « vendange », peuvent donc<br />
se justifier du point de vue philologique. Seule l’analyse du contexte littéraire<br />
et culturel peut nous permettre d’opter entre ces deux interprétations.<br />
Dans la liste de la tablette de Gézer, la mention de la « taille » de la vigne est<br />
un peu surprenante : psychologiquement, ce travail ne constitue pas un des<br />
temps forts de la vie du paysan palestinien25. S’il fallait mentionner un travail<br />
important concernant la vigne, un paysan songerait d’abord et avant tout aux<br />
17) Cf. spécialement, D. Diringer, Le iscrizioni . . ., p. 8 ; J. G. Février, Semitica I, 1948, p. 36<br />
(émondage) ; J. C. L. Gibson, HMI, pp. 2 et 4 (aveʿ hésitation).<br />
18) Cf. H. Vincent, RB VI, 1909, pp. 250-252 ; G. B. Gray, PEFQS XLI, 1909, p. 192 ; K. Marti, « Ein<br />
altpalästinensischer l<strong>and</strong>wirtschaftlicher Kalendar », ZAW XXIX, 1909, p. 226 ; J. B. Chabot,<br />
Répertoire d’épigraphie sémitique (RES) III, Paris 1916, n° 1201, p. 3 ; R. M. Savignac, RB. XLIV,<br />
1935, p. 292 ; H. L. Ginsberg, ArOr VIII, 1936, p. 147 (avec hésitation) ; U. Cassuto, SMSR XII, 1936,<br />
pp. 112-114 ; S. Moscati, EEA, pp. 16-17, 19 ; KAI II, pp. 181-182.<br />
19) L. Köhler—W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti Libros, Leiden 1953, p. 260 ;<br />
cf. W. Baumgartner, Hebräisches und aramäisches Lexikon zum A. T., Leiden 1967, p. 263.<br />
20) Gr<strong>and</strong> Larousse encyclopédique X, Paris 1964, art. « taille » p. 145.<br />
21) Idem, art. « vendange » p. 715.<br />
22) Cf. aussi J. Döller, « Der Wein in Bibel und Talmud », Biblica IV, 1923, pp. 143-167 et 267-299,<br />
spéc. pp. 151 et 157.<br />
23) Cf. A. G. Barrois, op. cit. I, p. 329.<br />
24) On peut aussi noter que le rameau coupé s’appelle zemorāh et que ce terme semble surtout<br />
désigner le rameau portant la grappe : cf. H. Kosmala, « Mot <strong>and</strong> the Vine : the Time of the<br />
Ugaritic Fertility Rite », Annual of the Swedish Theological Institute (ASTI) III, 1964, p. 150.<br />
25) Cf. déjà H. Vincent, RB VI, 1909, p. 252.