Special Issue IOSOT 2013 - Books and Journals

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88 A. Lemaire / Vetus Testamentum IOSOT (2013) 87-98 effectivement, en Palestine, la « récolte des fruits » (ligne 1)4, les « semailles d’hiver » et les « semailles de printemps » (lignes 1 et 2)5 durent environ deux mois. Cependant, il faut reconnaître que cette interprétation est difficile à justifier philologiquement. H. L. Ginsberg6 avait proposé d’interpréter cette forme comme un duel nominatif construit, semblable à celui attesté en ougaritique, où le son ā serait devenu ō. Mais cette solution ne concorde pas avec l’orthographe habituelle de cette époque : le « waw » est probablement consonnantique et non « mater lectionis »7. W. F. Albright8 a essayé d’expliquer le « waw » final comme la terminaison du duel suivi du suffixe possessif de la troisième personne du masculin singulier9. Mais cette interprétation est difficilement soutenable : à cette époque, le suffixe de la troisième personne du masculin singulier est écrit avec un « hé » et non avec un « waw », et, de plus, on ne voit pas très bien à quoi se rapporterait ce suffixe10. Le iscrizioni antico-ebraiche palestinesi, Firenze 1934, p. 16 (avec des nuances) ; H. L. Ginsberg, Archiv Orientalni (ArOr) VIII, 1936, p. 146 ; U. Cassuto, « Il calendario di Gezer e il suo valore storico-religioso », Studi e Materiali di Storia delle Religioni (SMSR) XII, 1936, pp. 107-125, spéc. p. 112 ; KAI II, p. 182. 4) Ici, il faut penser essentiellement à la récolte des olives, cf. T. Cana’an, « Der Kalender des palästinensischen Fellachen », ZDPV XXXVI, 1913, p. 270 : A. G. Barrois, Manuel d’archéologie biblique I, Paris 1939, p. 323. 5) Cf. A. G. Barrois, op. cit. I, p. 311. 6) H. L. Ginsberg, BJPES II, 1935, p. 49 ; S. Yeivin, « The Hebrew Agricultural Calendar », BJPES III 1936, pp. 117-121 ; H. L. Ginsberg, ArOr VIII, 1936, pp. 146-147 ; U. Cassuto, SMSR XII, 1936, pp. 107- 125, spéc. p. 109 ; G. R. Driver, « Brief Notes », PEQ LXXVII, 1945, pp. 5-9 ; E. Zolli, « La tavoletta di Gezer », Biblica XXVII, 1946, p. 129 ; J. G. Février, « Remarques sur le calendrier de Gézer », Semitica I, 1948, pp. 34-35 ; S. Moscati, L’epigrafia ebraica-antica 1935-1950 (EEA), Rome 1951, pp. 8-12 ; C. Fontinoy, Le duel dans les langues sémitiques, Paris 1969, p. 58 (sans prendre position). 7) Cf. les critiques de W. F. Albright, « The Gezer Calendar », BASOR 92, Dec. 1943, pp. 16-26, spéc. p. 24 ; G. Garbini, « Nota sul ‘calendario’ di Guezer », Istituto Orientale di Napoli Annali (AION) VI, 1954-56, pp. 127-128 ; KAI II, p. 181 ; J. C. L. Gibson, HMI, p. 3. 8) W. F. Albright, BASOR 92, Dec. 1943, pp. 16-26, spéc. pp. 22 et 24, et, avec quelques nuances, F. M. Cross—D. N. Freedman, Early Hebrew Orthography, New Haven 1952, pp. 46-47 ; A. M. Honeyman, « The Syntax of the Gezer Calendar », JRAS 1953, pp. 53-58 ; KAI II, p. 181 ; C. Fontinoy, op. cit., p. 58 (sans prendre position). 9) En hébreu massorétique, on aurait yeriḥāyw. 10) Sur ces critiques, cf. G. R. Driver, « Postscript », PEQ LXXVII, 1945, pp. 8-9 : G. Garbini, AION VI, 1954-56, pp. 123-130.

A. Lemaire / Vetus Testamentum IOSOT (2013) 87-98 89 J. B. Segal11 a alors proposé de comprendre le signe après le « ḥeth » comme le signe numérique « 2 ». Cette solution nous semble impossible12 : paléographiquement, le signe est clairement un « waw » ; de plus, le chiffre « 2 » est écrit, à cette époque, avec deux barres verticales parallèles. G. Garbini13 a proposé récemment une autre solution : le « waw » serait une terminaison archaïque du pluriel à l’état construit. Cette solution est plus vraisemblable philologiquement, mais elle supprime la référence aux douze mois de l’année, référence qui donne un sens tout à fait cohérent à cette liste de mois. Plutôt que d’une forme archaïque de l’état construit du pluriel en général, ne s’agirait-il pas, de façon plus précise, d’une forme archaïque de l’état construit du duel? En effet, la solution la plus simple, presque imposée par le contexte de cette liste, est que ce « waw » connote une forme de duel. Jusqu’à maintenant, la forme de duel la plus anciennement attestée en épigraphie hébraïque est probablement un nom propre des ostraca de Samarie, bʾrym14, dans lequel le « yod » est certainement consonnantique. Or, « les deux consonnes vocaliques w et y étant analogues, le passage de l’une à l’autre est facile : ainsi, à l’intensif des verbes ‘//w, au lieu du type qiwwēm, on a plutôt qiyyēm »15. La terminaison connotant le duel a pu subir une évolution semblable : awim>ayim, à l’état absolu, et aw>ay>ēy, à l’état construit. On peut donc interpréter le « waw » de yrḥw comme une forme archaïque ou dialectale16 de l’état construit du duel et traduire yrḥw : « les deux mois de . . . ». 11) Cf. J. B. Segal, « ‘yrḥ’ in the Gezer ‘Calendar’ » ‘Journal of Semitic Studies VII, 1962, pp. 212-221 ; cf. aussi Y. Aharoni, « The Use of Hieratic Numerals in Hebrew Ostraca and the Sheqel Weights », BASOR 184, Dec. 1966, pp. 13-19, spéc. p. 19. 12) Cf. les critiques de J. C. L. Gibson, HMI, p. 3. 13) G. Garbini, AION VI, 1954-56, pp. 123-130 ; J. C. L. Gibson, HMI, p. 3. 14) Ostracon 1, ligne 2, cf. W. F. Albright, « The Administrative Divisions of Israel and Judah », JPOS V, 1925, p. 40, note 59. L’interprétation de A. Jirku, ZAW LXXV, 1963, p. 87, qui traduit « puits du dieu Yam », nous semble beaucoup moins vraisemblable. De façon générale, sur le duel dans les noms géographiques, cf. C. Fontinoy, « Les noms de lieu en -ayim dans la Bible », Ugarit- Forschungen (UF) III, 1971, pp. 33-40. 15) Cf. P. Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1965(1923), p. 174, note 2. 16) On peut rapprocher cette forme de celle de l’état construit du duel, en -w, en Qatabanique, cf. M. Höfner, Altsüdarabische Grammatik, Leipzig 1943, pp. 120-121, § 102 ; A. F. L. Beeston, A Descriptive Grammar of Epigraphic South Arabian, London 1962, p. 32, § 29 :5 (cf. aussi p. 8, § 3 :6 et p. 49, § 40 :1) ; C. Fontinoy, Le duel dans les langues sémitiques, Paris 1969, pp. 104-107.

A. Lemaire / Vetus Testamentum <strong>IOSOT</strong> (<strong>2013</strong>) 87-98 89<br />

J. B. Segal11 a alors proposé de comprendre le signe après le « ḥeth » comme<br />

le signe numérique « 2 ». Cette solution nous semble impossible12 : paléographiquement,<br />

le signe est clairement un « waw » ; de plus, le chiffre « 2 » est<br />

écrit, à cette époque, avec deux barres verticales parallèles.<br />

G. Garbini13 a proposé récemment une autre solution : le « waw » serait une<br />

terminaison archaïque du pluriel à l’état construit. Cette solution est plus vraisemblable<br />

philologiquement, mais elle supprime la référence aux douze mois<br />

de l’année, référence qui donne un sens tout à fait cohérent à cette liste de<br />

mois. Plutôt que d’une forme archaïque de l’état construit du pluriel en général,<br />

ne s’agirait-il pas, de façon plus précise, d’une forme archaïque de l’état<br />

construit du duel?<br />

En effet, la solution la plus simple, presque imposée par le contexte de cette<br />

liste, est que ce « waw » connote une forme de duel. Jusqu’à maintenant, la<br />

forme de duel la plus anciennement attestée en épigraphie hébraïque est<br />

probablement un nom propre des ostraca de Samarie, bʾrym14, dans lequel le<br />

« yod » est certainement consonnantique. Or, « les deux consonnes vocaliques<br />

w et y étant analogues, le passage de l’une à l’autre est facile : ainsi, à l’intensif<br />

des verbes ‘//w, au lieu du type qiwwēm, on a plutôt qiyyēm »15. La terminaison<br />

connotant le duel a pu subir une évolution semblable : awim>ayim, à l’état<br />

absolu, et aw>ay>ēy, à l’état construit. On peut donc interpréter le « waw » de<br />

yrḥw comme une forme archaïque ou dialectale16 de l’état construit du duel et<br />

traduire yrḥw : « les deux mois de . . . ».<br />

11) Cf. J. B. Segal, « ‘yrḥ’ in the Gezer ‘Calendar’ » ‘Journal of Semitic Studies VII, 1962, pp. 212-221 ;<br />

cf. aussi Y. Aharoni, « The Use of Hieratic Numerals in Hebrew Ostraca <strong>and</strong> the Sheqel Weights »,<br />

BASOR 184, Dec. 1966, pp. 13-19, spéc. p. 19.<br />

12) Cf. les critiques de J. C. L. Gibson, HMI, p. 3.<br />

13) G. Garbini, AION VI, 1954-56, pp. 123-130 ; J. C. L. Gibson, HMI, p. 3.<br />

14) Ostracon 1, ligne 2, cf. W. F. Albright, « The Administrative Divisions of Israel <strong>and</strong> Judah »,<br />

JPOS V, 1925, p. 40, note 59. L’interprétation de A. Jirku, ZAW LXXV, 1963, p. 87, qui traduit « puits<br />

du dieu Yam », nous semble beaucoup moins vraisemblable. De façon générale, sur le duel dans<br />

les noms géographiques, cf. C. Fontinoy, « Les noms de lieu en -ayim dans la Bible », Ugarit-<br />

Forschungen (UF) III, 1971, pp. 33-40.<br />

15) Cf. P. Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1965(1923), p. 174, note 2.<br />

16) On peut rapprocher cette forme de celle de l’état construit du duel, en -w, en Qatabanique,<br />

cf. M. Höfner, Altsüdarabische Grammatik, Leipzig 1943, pp. 120-121, § 102 ; A. F. L. Beeston,<br />

A Descriptive Grammar of Epigraphic South Arabian, London 1962, p. 32, § 29 :5 (cf. aussi p. 8, § 3 :6<br />

et p. 49, § 40 :1) ; C. Fontinoy, Le duel dans les langues sémitiques, Paris 1969, pp. 104-107.

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