Information and liaison bulletin - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ozeti
JFK : "Nos médias
n'y comprennent rien"
Le rédacteur en chef de Marianne, Jean-François Kahn, épingle
la mise en scène médiatique de l'affaire turco-kurde.
Décidément, les médias occi¬
dentaux n'y comprennent plus
rien ! En cause dans l'incompré¬
hension du dossier turco-kurde :
une lecture manichéenne des évé¬
nements- ici totalement inappro¬
priée. Certes, me direz-vous, il n'est
pas franchement nouveau que nos
médias aient besoin de « bons » et
de «méchants». Cette fois, pour¬
tant, il se pourrait qu'il y ait définiti¬
vement «trop» d'acteurs en scène :
les Turcs, les Kurdes, les Irakiens, la
Syrie, l'Iran ! C'est l'incompréhen¬
sion totale. Alors que le Moyen-
Orient est déjà si difficile à saisir
pour l'Occident, le présent dossier
revêt tant de détails qu'il semble ir¬
rémédiablement compliqué !
Peut-être, alors, devrait-on com¬
mencer par se souvenir que l'Amé¬
rique est intervenue militairement
afin d'asseoir l'autonomie des
Kurdes d'Irak- scellant ainsi une
alliance leur permettant d'interfé
rer sur le pouvoir à Bagdad. Voilà
pourquoi elle intervient - cette fois
encore - en supposant à une inter¬
vention turque : afin de rester le
maître du jeu en Irak. Une stratégie
qui vient précisément de montrer
sa limite : pourquoi tout à coup sou¬
tenir laTurquie dans son refus d'ac¬
corder l'autonomie kurde ? Parce
sier que les Etats-Unis ont d'abord fait des conces¬
que les Turcs restent tout de même
les alliés préférés des Etats-Unis !
Certes, on ne peut soutenir le PKK
ni dans sa démarche ni dans ses
sions : le vote tant annoncé à la Chambre des Re¬
présentants n'a-t-il pas été repoussé aux calendes
grecques ? Il est vrai que les Américains - qui ont
énormément investi au Kurdistan irakien - sont
très sensibles aux avantages logistiques que repré¬
sente l'Est anatolien. Je pense notamment à la base
d'Inçirlik, utile tant dans le cadre des opérations aé¬
riennes menées en direction de l'Irak que vers l'Af
actions. Une fois cela dit, il esttou¬
tefois nécessaire de reconnaître
qu'il existe un problème kurde, un
peuple en droit de réclamer cette
indépendance. D'ailleurs, alors que
les Etats-Unis voudraient accorder
une indépendance- légitime ! - au
Kosovo albanais et ce, contre la vo¬
lonté même de la Serbie (quitte à
démanteler ce pays), ou encore au
Dartour, on peut se demander pour¬
quoi on ne consentirait pas le
même droit aux Kurdes, un peuple
démographiquementsi important,
un peuple de 35 millions d'indivi¬
dus dispersés entre quatre pays.
Un peuple qui a su conquérir, au
lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, une éphémère Répu¬
blique indépendante.
D'après lespropos de
Jean-FrançoisKahn, recueillis
par Vilma Kouyoumdjian
ghanistan. Pour autant, n'exagérons rien : tout ceci
n'est qu'une question de coût. Les Américains
pourraient tout aussi bien opérer depuis les Emi¬
rats arabes s'ils y étaient contraints ; le surcoût que
cela représenterait serait de 25 à 30%. Ce n'est pas
insurmontable !
FA. : On a vu l'Iran et la Syrie se rallier à la
chasse au PKK. Est-ce l'union sacrée contre la
Au nord de
l'Irak, sur la
frontière
turque, un
comman¬
dant de
l'Armée de
Ibération du
peuple du
Kurdistan,
aile militaire
du PKK,
entouré de
ses combat¬
tants
cause kurde ?
K.N.:Votre observation est surtoutjuste pourlaSy-
rie. L'Iran a en revanche un avis beaucoup plus
nuancé et s'est prononcé publiquement pour une
résolution de la question par le dialogue.Téhéran a
d'ailleurs inauguré le 6 novembre une ambassade
au Kurdistan irakien. En réalité, il faut bien se
rendre compte que malgré tout ce vacarme, la Tur¬
quie est totalement isolée sur la scène internatio¬
nale. L'ONU, l'OTAN, les Etats-Unis, l'Union
européenne, la Russie et même le Pape ont appelé
Ankara à la retenue ! Aucun pays arabe ne soutient
non plus la perspective d'une intervention turque
en Irak- hormis le soutien modeste de la Syrie.
F.A. : L'efficacité de la stratégie turque a-t-elle des
limites ?
K.N. : Bien entendu ! Ankara ne peutjouer la carte
du chantage ad vitam sans que cela ne
nuise gravement à son crédit. Aujourd'hui, hormis
la Grande-Bretagne, plus aucun gouvernement eu¬
ropéen n'envisage sérieusement sa candidature à
l'intégration de l'Union européenne. Qui plus est,
en glorifiant l'armée, en reportant sans cesse la faute
sur des boucs émissaires -Arméniens, Kurdes, Chy¬
priotes ou désormais Juifs et Occidentaux,l'Etat ali¬
mente l'expression nationaliste, enfonçant le pays
dans la paranoïa et l'enfermement psychologique.
LaTurquie a beau tenter d'exporter sa propagande
par le biais des images télévisuelles au reste du
monde, elle ne peut davantage tromper les observa¬
teurs étrangers sur lasituation réelle du pays et de la
région.
Propos recueillispar
Varoujan Sarkissian
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