Information and liaison bulletin - Institut kurde de Paris

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Le Monde diplomatique - novembre 2007
Dans les maquis du Kurdistan
La tension est vive au Kurdistan irakien,
où l'armée turque menace d'intervenir
massivement contre les combattants du
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Un foyer d'instabilité supplémentaire dans
une région déjà déchirée. Mais qui sont
ces hommes et ces femmes prêts
à mourir pour réaliser le vieux rêve
d'une renaissance kurde ?
par notre envoyé spéci
Olivier Piot *
AL
.
* Journaliste.
n auvent de bois caché par le treillage
Au coeur des montagnes irakiennes, 2007
kaki des filets de camouflage. Des
kalachnikovs négligemment suspendus.
Sous ce dais improvisé, une table vient
d'être dressée. Thé, crudités, viandes,
fruits... Une réception bienvenue après les dix heures
de route que nous venons d'effectuer depuis Erbil, la
capitale de la région administrée par le gouverne-'
ment kurde d'Irak. Une journée entière de route, sous
la chaleur d'un mois d'été caniculaire. Une éternité
de pistes chaotiques pour venir dans cette zone aride
et montagneuse située à l'extrême nord de l'Irak, le
long des frontières turque et iranienne. En chemin,
bien au-delà de Rewandiz, les barrages des soldats du
gouvernement kurde irakien ont fini par disparaître.
Une fois dans cette zone tampon longue de trois cent
cinquante kilomètres, sur le fil de la frontière avec la
Turquie, les uniformes sont différents : le contrôle
relève des forces armées du Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK).
Les militants du PKK sont appelés à rejoindre
avec leurs armes les montagnes irakiennes. En 2002,
le parti change de nom et devient le Congrès pour la
liberté et la démocratie au Kurdistan (Kadek). Les
références au marxisme-léninisme, mélange de lutte
de classes et de nationalisme, sont abandonnées (2).
Signe de cette évolution légaliste, le Parti de la Tur¬
quie démocratique (DTP), prokurde, créé en 2005,
qui refuse de qualifier le PKK d'organisation « ter¬
roriste », emporte en juillet 2007 vingt sièges au
Parlement d'Ankara. De leur côté, près de trois mille
cinq cents peshmergas du PKK sont gardés en
réserve dans les bases arrière du nord de l'Irak. Sur
le sol turc, deux mille combattants restent dans la
clandestinité.
quents (3), le haut responsable doit se déplacer le
plus souvent possible. Nos batteries de téléphone
sont retirées, l'ordinateur momentanément confis¬
qué. L'entretien a lieu dans une pièce aménagée.
Tapis au sol, fenêtres obstruées. Aux murs, des por¬
traits de martyrs du parti et celui de M. Ôcalan, bien
sûr. Alors qu'il s'apprête à répondre à nos ques¬
tions, M. Karayilan est rejoint par notre spécialiste
de littérature française et du marxisme, Bozan (il ne
donnera pas son nom), le vice-président du KCK,
celui-là même qui cherchait tout à l'heure à se faire
passer pour un militant de base du PKK.
Le président du KCK ne sait évidemment rien des
nuages qui vont s'amonceler sur la zone que ses
hommes contrôlent. Accord entre Ankara et Bagdad
pour éradiquer les forces « terroristes (4) » du PKK ;
Ce repli stratégique des maquisards de la cause
kurde (peshmergas) ne date pas d'hier. Dès 1984,
alors que les séparatistes du PKK engagent la lutte
armée contre l'Etat turc, des militants sont envoyés
ici en réserve. Des camps s'installent dans la mon¬
tagne, et les dirigeants du parti, dont beaucoup sont
allés se former auprès des Palestiniens du Liban
sud, aux côtés des cadres de Yasser Arafat, viennent
aider à organiser ces bases arrière. Mais la guérilla
se déroule alors surtout de l'autre côté de la fron¬
tière, dans les régions kurdes du sud-est de là Tur¬
quie. Au cours des années 1980-1990, seuls les
militants les plus exposés se replient en Irak. Car la
zone a une autre vocation : former militairement et
politiquement les cadres destinés à retourner en Tur¬
quie pour défendre, par les armes, la lutte pour l'in¬
dépendance du Kurdistan anatolien.
Depuis février,
les Turcs ont massé
des milliers de soldats
à la frontière
Août 2007. Parmi la dizaine de maquisards qui
nous reçoivent dans les monts Zagros, un'
homme sort du lot. La cinquantaine, le visage érriacié,
lès cheveux châtain clair, il affiche l'allure mar¬
tiale d'un militant de la première heure, mais ne se
présente pas. « Que pensez-vous de l'Algérie ? Des
montée en puissance du discours guerrier des autori¬
tés turques ; vote du Parlement d'Ankara autorisant
rinterVention.de. l'armée turque dans le nord de
l'Irak, Mais, en ce mois d'août, les cartes sont déjà
distribuées. « Depuisfévrier, les Turcs ont massé des
milliers de soldats à lafrontière, et le bras defer élec¬
toral pour les législatives en Turquie [juillet 2007] a
conduit l'armée àfaire de la surenchère nationaliste,
explique M. Karayilan. Nous avons été informés de
tractations entre Ankara, Bagdad et Washington.
J'espère simplement que l'AKP [Parti de la justice et
du développement, au pouvoir à Ankara] du premier
ministre turc Erdogan saura saisir la perche que lui
tendent nos nouveaux députés pour trouver une solu¬
tion démocratique.et négociée au problème kurde. »
" 'SÛr; quoi porterait cette négociation ? Le PKK s' en
tient-il à sa vieille revendication d'un seul et même
La donne change avec la mort en 1993 du président
turc Turgut Ôzal, favorable à la légalisation du PKK.
L'espoir d'une solution négociée avec le gouverne¬
ment d'Ankara s'effondre. Un an plus tard, les
députés élus sur la liste du premier parti prokurde,
le Parti du travail du peuple (HEP), se voient retirer
leur immunité parlementaire. En février 1999, le
président du PKK, M. Abdullah Ôcalan, est arrêté
puis emprisonné sur l'île turque dTmrali (1). Dès
les premiers mois de sa détention, il lance un appel
à la fin de la lutte armée. Son objectif : privilégier
la « transformation démocratique » de la Turquie en
négociant la résolution de la « question kurde »
avec les autorités d'Ankara.
indépendantistes corses ? De Guevara ? » Les
questions fusent. Il avoue avoir passé vingt-cinq ans
dans les prisons turques. Il y a beaucoup lu. Libéré
comme d'autres au début des années 2000, il rejoint
aussitôt le maquis. Nous parlons de Balzac,
de Lénine... et, bien sûr, de M. Ôcalan, « le » prési¬
dent des Kurdes. Soudain, notre interlocuteur se
lève. Une voiture se dirige vers nous. Cinq hommes
armés en descendent. L'un d'entre eux est plus âgé.
Il s'agit de M. Mourat Karayilan, président du
Congrès du peuple du Kurdistan (KCK), l'instance
collégiale dirigeante du parti.
Sa présence ici est dangereuse. Chacun le sait.
Mais, les bombardements iraniens étant fré
Etat pour lès populations kurdes de Turquie, d'Irak,
d'Iran et de Syrie ? « C'est un objectifqui est toujours
dans notre programme, mais il est lointain, enchaîne
le dirigeant. En réalité, et les Turcs le savent, nous
sommes prêts à négocier une autonomie régionale du
type de celle de la Catalogne dans le cadre desfron¬
tières de la Turquie. C'est une main tendue. »
Le Kurdistan d'Irak où sont réfugiés les combat¬
tants du PKK est géré par le Parti démocratique
(PDK) et l'Union patriotique (UPK), deux formations
qui ont signé un accord en 2002. Cette région dispose
d'une grande autonomie au sein de l'Irak, et les deux
partis sont alliés des Etats-Unis. Tous ces paramètres
de la donne régionale, M. Karayilan les connaît. A
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