Information and liaison bulletin - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti
soudre une énième intervention militaire
?
Il y a 18 millions de Kurdes en Turquie et
pas une seule école ni un seul média en
kurde - langue qui a été interdite jusqu'en
1991 ! Seul un programme de 45 minutes
en langue kurde, qui vante le tourisme de
la région, est diffusé une fois par se¬
maine sur une chaîne nationale. Recon¬
naître l'identité kurde, c'est aussi leur
donner le droit d'avoir des syndicats et
des partis politiques. Ce manque de
reconnaissance et ce déni total de
l'identité kurde de la part d'Ankara a
grandement favorisé le sentiment de
frustration et d'humiliation des Kurdes.
On comprend alors pourquoi beaucoup
soutiennent ou rejoignent les rangs du
PKK, « qui n'est que le produit d'une
politique de négation radicale et extrême,
pour ne pas dire extrémiste, du
turc ».
régime
Selon Ankara, il y aurait 5 000 combat¬
tants à l'intérieur de la Turquie, dans les
terres jusqu'à 500 km de la frontière
irakienne. Auxquels il faut ajouter 3 000
rebelles retranchés dans des camps aux
frontières avec l'Irak et l'Iran (des ré¬
gions montagneuses et escarpées qui
facilitent les infiltrations et les passes
d'armes).
Le Premier ministre Erdogan avait dit
vouloir commencer par « nettoyer » les
camps à l'intérieur du
pays avant de
s'aventurer sur l'Irak.
Un scénario plausible
qui fait qu'une bonne
partie de l'électorat
avait revoté pour son
parti, l'AKP, en juillet
dernier. Aujourd'hui, il
prône l'inverse et
veut s'attaquer à ce
qu'il juge comme
l'arrière-base
Kurdistan irakien.
le
Le PKK est une organisation terroriste.
Kendal nous dit comment le mouvement
est organisé. « En Turquie, les Kurdes
n'ont pas le droit légalement d'avoir leurs
partis ou leurs associations. Ils jouent
avec cela et créent des groupements et
des réseaux de même mouvance sous
des noms divers. Comme ils sont inter¬
dits par la Cour constitutionnelle, on
envoie les dirigeants en prison. Alors
d'autres créent un autre parti qui dure
entre deux et trois ans. Jusqu'à la pro¬
chaine arrestation. Et on recommence...
C'est vraiment une guérilla juridique et
politique. »
Pour Ankara, l'unité nationale de la Tur¬
quie est menacée par le fait que le Kur¬
distan irakien est devenu une entité
fédérée au sein de l'Irak et que doit bien¬
tôt avoir lieu un référendum sur le ratta
LE DEVOIR Musculation turque
01 novembre 2007 SERGE TRUFFAUT
Aux mesures militaires
décidées il y a 15 jours à
peine afin d'étouffer l'ac¬
tivisme des Kurdes turcs re¬
pliés en Irak, le gouvernement
turc vient d'en greffer quel¬
ques autres. La nature de cel¬
les-ci? Économique et diplo¬
matique. Annoncées au terme
d'un conseil ministériel anor¬
malement long -- plus de sept
heures --, ces mesures mettent
tout d'abord en lumière un
changement ou plutôt une
musculation prononcée de la
contre-offensive
Ankara.
menée par
Sur le plan économique et
selon le souhait manifesté la
semaine dernière par le
Conseil national de sécurité,
on envisage l'imposition à
court terme d'un embargo sur
les exportations et les importa¬
tions avec les trois provinces
kurdes d'Irak. Si le gouverne¬
ment turc passe aux actes, s'il
ferme le seul poste-frontière
en fonction, alors il est écrit
dans le ciel que, sur ce front,
les Kurdes vont subir des
ravages. Il faut savoir que
l'essentiel de l'économie du
Kurdistan irakien repose sur
ses relations avec la Turquie.
En ce qui concerne maintenant
la diplomatie, le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'Ankara a
adopté une attitude passable¬
ment butée. En effet, à la suite
des menaces formulées par le
premier ministre turc on
pense à celles visant tout par¬
ticulièrement l'Irak --, le gou¬
vernement de ce dernier pays
avait opté pour une certaine
bonne volonté. Pour faire
court, il formule une série de
mesures qu'il va présenter à
Ankara.
Une fois sur place, les diri¬
geants turcs font savoir qu'il y
a un préalable à toute négocia¬
tion. Lequel? Le premier mi
nistre turc Recep Erdogan
exige que Bagdad lui livre les
150 principaux leaders du
mouvement nationaliste
kurde. Autrement dit, Erdogan
demande à Nouri al-Maliki
qu'il s'engage dans une guerre
avec le Kurdistan irakien. On
exagère à peine. Quoi d'autre?
Il faut rappeler et souligner
qu'Ankara refuse encore et
toujours de reconnaître le
gouvernement des provinces
autonomes
en Irak.
kurdes enclavées
La posture quelque peu fron¬
deuse d'Erdogan a eu pour
conséquence un énième res¬
serrement des liens entre Bag¬
dad et Téhéran. Après discus¬
sion entre les deux capitales, le
président iranien Mahmoud
Ahmadinejad a renvoyé chez
lui le chef de la diplomatie
turque les mains vides. De
quoi s'agit-il? L'Iranien n'a pas
donné sa caution à l'opération
chement de ce territoire à un Kurdistan
autonome. Cela pourrait donc donner
l'exemple aux 18 millions de Kurdes turcs
et c'est ce que veut absolument empê¬
cher Erdogan . « C'est un péril pour leur
unité nationale », précise Kendal Nezar.
Qui ajoute que l'armée, gardienne de la
laïcité, est également gardienne de cette
unité nationale et que son chef veut au
plus vite intervenir en Irak.
Les Turcs sont attachés à cette unité
nationale et ce n'est pas un hasard si on
assiste depuis quelques jours à un regain
de nationalisme et à des manifestations
un peu partout en Turquie. Mais pour
Kendal, « c'est une utilisation du filon
patriotique qui est en réalité militariste et
ultranationaliste ».
militaire
irakien.
turque en territoire
Cette musculation des rap¬
ports de force, Ankara l'a éga¬
lement manifestée à l'endroit
des États-Unis. Erdogan a
réitéré sa requête demandant
aux militaires américains en
Irak d'aller dans le nord du
pays afin de nettoyer les ca¬
ches ou les camps administrés
par les Kurdes turcs. Autre¬
ment dit (bis), Ankara vou¬
drait que Washington s'aliène
un de ses piliers les plus fer¬
mes dans le cadre de sa politi¬
que au Moyen-Orient.
À moins qu'Erdogan n'opte
pour une réduction du ton
employé ces derniers jours, la
fébrilité qu'il manifeste pour
un recours avant tout militaire
annonce un autre conflit à
l'horizon.