Information and liaison bulletin - Institut kurde de Paris

Revue de Presse-Press Review-Berhevoka Çapê-Rivista Stampa-Dentro de la Prensa-Basin Ôzeti
Le Point
1er novembre 2007
Turquie : intervention imminente au Kurdistan
irakien ?
L'armée turque pilonne depuis plusieurs jours les rebelles kurdes du PKK à la frontière irakienne et une incursion
au Kurdistan irakien semble imminente. Peut-on l'éviter et l'option militaire est-elle la solution au problème kurde ?
Le point.
Par Pauline Garaude - crédits photos©SIPA
Voilà quatre mois que l'armée turque
menaçait de traquer coûte que coûte
les rebelles kurdes séparatistes du PKK
(le parti des travailleurs kurdes, inscrit
sur la liste des organisations terroristes)
sur son territoire. C'est chose faite !
Impatiente d'intervenir au Kurdistan ira¬
kien qu'elle juge comme l'arrière-base, la
Turquie mène depuis quelques jours des
opérations de ratissage dans le sud-est
du pays.
Depuis lundi, des hélicoptères pilonnent
des positions de rebelles dans les monts
Cudi et Kato, dans la province de Sirnak
à la frontière irakienne. Les combats ont
encore fait 15 morts parmi les rebelles
kurdes hier. Ce qui porte leur nombre à
près de 80 depuis le 21 octobre : date à
laquelle douze soldats ont été tués et huit
autres faits prisonniers lors d'une em¬
buscade du PKK. Une attaque qui a
déclenché les
l'armée turque.
représailles massives de
La Turquie est sur le qui-vive et ses
forces sont stationnées le long de la
frontière irakienne : plus de 100 000
soldats y sont déjà, renforcés par
l'arrivée d'un convoi de 18 camions mili¬
taires. Des chasseurs bombardiers et
des hélicoptères de combat survolent en
permanence la région.
L'intervention turque au Kurdistan irakien
que tout le monde veut éviter est immi¬
nente.
C'est ce soir que se réunissent à Istan¬
bul les protagonistes de la Conférence
des pays voisins de l'Irak et les repré¬
sentants des membres permanents du
Conseil de sécurité des Nations unies.
Alors que cette conférence régionale doit
étudier les progrès réalisés dans la sécu¬
risation des frontières de l'Irak, la me¬
nace d'une intervention turque au Kurdis¬
tan irakien va certainement dominer les
discussions. Comment peut-on faire pour
stabiliser un Irak menacé de déstabilisa¬
tion à tout moment ?
Ankara menace de lancer une opération
militaire d'envergure contre les bases du
PKK au Kurdistan irakien (qu'elle accuse
d'être une arrière-base) si le gouverne¬
ment irakien ne s'en charge pas. D'où les
inquiétudes de Bagdad, dont le ministre
des Affaires étrangères M. Zebari a
déclaré : "La conférence d'Istanbul doit
se concentrer sur la sécurité et la stabili¬
té en Irak et ne pas se laisser distraire
par la tension à la frontière entre l'Irak et
la Turquie, et par les opérations terroris
8
tes du PKK".
En marge de cette confé¬
rence, le Premier ministre
turc Recip Erdogan va
rencontrer la secrétaire
d'Etat américaine Condo¬
leezza Rice, avant sa
rencontre cruciale avec le
président
vembre.
Bush le 5 no¬
Les Américains font tout
pour dissuader la Turquie
d'intervenir et de déstabi¬
liser l'Irak. Mais
l'administration Bush a
besoin de la Turquie et de
sa base aérienne d'Incirlik
pour sa guerre en Irak et
elle veut ménager son
allié. Washington tente
donc de calmer le jeu
alors qu'Ankara attend un
feu vert du président
Bush le 5 novembre. Les
Etats-Unis seraient déjà
en train d'étudier un plan
B pour leur base aérienne
en cas d'intervention militaire.
Ankara a réclamé aux Américains des
mesures "urgentes" contre les rebelles
kurdes basés dans le nord de l'Irak,
avertissant que l'avenir de leurs relations
en dépendait.
"Le terrorisme du PKK est un test de
sincérité pour tous. Nous allons expliquer
que ce test déterminera (...) l'avenir de
nos relations futures", a averti M. Erdo¬
gan.
Le mois dernier, le Congrès voulait pro¬
poser une loi pour condamner Ankara et
le génocide arménien. Cela avait enve¬
nimé les relations de la Turquie avec la
Maison-Blanche.
Parce qu'une intervention au Kurdistan
irakien - seule région à peu près stable
d'Irak - mettrait de nouveau le pays à
feu et à sang, tout le monde veut éviter
le pire. Les pays voisins de l'Irak veulent
favoriser la solution politique et diploma¬
tique. Les Nations unies, le monde
arabe... et Washington aussi. Pour Ken¬
dal Nezan, président de l'Institut kurde de
Paris, « la Turquie va se faire des enne¬
mis partout car une intervention sera
synonyme d'un engrenage qui peut être
catastrophique. »
Ankara risque à coup sûr l'isolement
diplomatique (hormis peut-être
l'Azerbaïdjan et la Syrie qui la soutien¬
dront du bout des lèvres) et le repli na
tionaliste. Ce qui suspendrait la poursuite
de négociations sur l'adhésion à l'Union
européenne.
« Il n'y a pas de solution militaire au
problème du PKK. Cela dure depuis 1984
et il y a déjà eu 24 incursions militaires
dans le Kurdistan irakien dont deux fois
avec des opérations de grande enver¬
gure, en 1995 et en 1997... sans résultat.
Nous, Kurdes, on ne veut pas que ça
devienne une guerre de Cent Ans. Et
pour l'éviter, il faut penser d'urgence à
un règlement politique et diplomatique »,
estime Kendal Nezarde l'Institut kurde.
Pour lui, la source du problème est en
Turquie. Pas en Irak. Alors quelle est la
solution ? « Il faut préparer un terrain de
paix en Turquie et régler deux points
majeurs. D'abord une amnistie générale
des maquisards pour qu'ils déposent
leurs armes et de tous les militaires turcs
impliqués dans des massacres, des
déportations et destructions de villages...
Cette amnistie est vitale pour tourner la
page. Ensuite, il faut reconnaître l'identité
kurde avec ses droits culturels et linguis¬
tiques. »
Enfin, cette région du sud-est de la Tur¬
quie, potentiellement riche, est ravagée
économiquement. Kendal rappelle que
depuis 84 ans que la République de Tur¬
quie existe, la région kurde est depuis 63
ans en état de guerre, de siège, d'état
d'urgence... Que viendrait en effet ré-