Information and liaison bulletin - Institut kurde de Paris

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FIGARO 1er novembre 2007
Avec les rebelles du PKK dans
les montagnes irakiennes
MOYEN-ORIENT
Rencontre avec une
patrouille de l'organisation
marxiste, qui a déclaré
la guerre àl'Etat turc depuis
le début des années 1980.
Les pays voisins de l'Irak et ceux du
Conseil de sécurité de l'ONU se
retrouvent ce soir à Istanbul pour
discuter de la sécurisation des
frontières de l'Irak. La tension
entre Ankara et Bagdad va domi¬
ner la réunion. La Turquie a massé
des dizaines de milliers de soldats à
sa frontière sud-est, menaçant le
Parti des travailleurs du Kurdistan
(PKK), une organisation de rebel¬
les séparatistes kurdes qui conduit
des opérations meurtrières à partir
du nord de l'Irak, où ses membres
sont retranchés. Notre envoyé spé¬
cial a pu les rencontrer dans le
nord-ouest du Kurdistan irakien.
De notre envoyé spécial
dans la vallée deKachan
LES PARTISANS apparaissent sou¬
dain au bout d'une piste défoncée
qui grimpe le long d'un torrent à
truites, dans les montagnes du
nord du Kurdistan irakien. La kala¬
chnikov à l'épaule, ils traversent un
pont de fortunejeté en travers de la
rivière, entre deux chênes au tronc
noueux. Ils sont cinq, en baskets et
en uniforme gris-vert taillé à la
mode kurde, avec pantalon bouf¬
fant, large ceinture chargée de gre¬
nades et petite veste à poches. Sur
l'autre rive du torrent, on aperçoit
une sorte de camp de Robin des
Bois, avec des abris de feuillages, et
des cavités camouflées au pied de
la falaise pour échapper aux recon¬
naissances aériennes.
«Iln'estpaspossibled'allerplus
loin », explique le plus âgé d'entre
eux, qui semble être le chef de la
petite escouade. Il propose un ver¬
re de thé mais reste inflexible. Sa
mission est vraisemblablement
d'empêcher de remonter plus haut
la vallée, vers des campements
sans doute plus importants.
Ces confins montagneux entre
le Kurdistan irakien et la Turquie
sont aux mains du PKK, le Parti des
travailleurs du Kurdistan, et les
accès soigneusement contrôlés. Le
partisan utilise d'ailleurs le kre-
manji, dialecte kurde parlé en Tur¬
quie, légèrement différent du surrani,
celui des Kurdes du nord de
l'Irak.
Malgré son nom, le PKK n'a pas
grand-chose à voir avec un syndi¬
cat ouvrier. Cette organisation
marxiste a déclaré depuis les
années 1980 une guerre sans merci
à l'État turc, qui a fait quelque
30 000 morts. C'est un mouvement
clandestin et dur, à l'idéologie rigi¬
de, qui n'hésite pas à recourir aux
attentats terroristes et aux assassi¬
nats, et que l'armée turque pourchasse
sans merci.
v Le chef fait asseoir son petit
groupe, et préparer le thé. Il n'a que
37 ans mais il en fait dix de plus.
Son visage à l'air tendu des hom¬
mes traqués. H refuse d'être photo¬
graphié ou de donner son nom, par
crainte de représailles turques. «Je
suis entré au PKK en 1988 », explique-t-il.
Il avait alors 17 ans, l'âge
qu'a aujourd'hui le plus jeune de
ses combattants. « Je ne comprends
pas pourquoi l'Union européenne
. nous a placés sur la liste des organi¬
sations terroristes! Nous sommes
des combattants de la liberté. Nous
défendons les droits de notre peu¬
ple », explique-t-il, reprenant
l'éternelle justification de toutes
les guérillas du monde.
Ce mouvement au marxisme
désuet, qui recrute aussi des fem¬
mes parmi ses combattants, et
dont le chef historique, Abdullah
Ocalan, croupit dans une prison
turque, menace aujourd'hui
d'enflammer de nouveau le Kur¬
distan, dernière région d'Irak à
connaître un calme relatif.
Propice aux embuscades
La Turquie, qui vient de perdre
plusieurs de ses soldats, certains
tués et d'autres capturés, dans une
embuscade du PKK, pourrait venir
régler ses comptes avec la guérilla
jusque dans ses sanctuaires du
Kurdistan irakien.
Car les chefs du PKK ont profité
de la quasi-autonomie de leurs
cousins kurdes d'Irak, pour instal¬
ler leurs bases arrière du côté ira¬
kien de la frontière, avec la toléran-
. ce plus ou moins assumée des
autorités d'Erbil. Les hautes vallées
de montagne du nord du Kurdis¬
tan sont aux mains du PKK.
«La frontière turque n'est qu'à
deux heures de marche, en direc¬
tion du nord », explique le militant
du PKK. Là-bas, les troupes tur¬
ques sont massées. Les tirs d'artil¬
lerie se font plus nombreux dans
les vallons de montagne, à la fois en
guise d'avertissement et pour
chasser les derniers civils de la
zone frontière. Cependant, la gué¬
rilla ne se combat pas par avions ou
à coups d'artillerie, et malgré la
puissance de l'armée turque, le
nord du Kurdistan reste un terrain
très difficile.
« On connaît tous les coins par
ici », dit le chefdu groupe de parti¬
sans. «Les Turcs peuvent venir.
Mais regardez ces montagnes. Ce
sera une guerre très difficile pour
eux, ils vontperdre du monde », ditil.
Autour de lui, la vallée est fermée
par des à-pics vertigineux. Seuls
des sentiers muletiers permettent
de passer les cols en direction du
nord. Tout le pays est propice à des
embuscades.
C'est sans doute pour cette rai¬
son que la Turquie s'efforce pour le
moment d'obtenir le désarme¬
ment du PKK et la libération de ses
soldats par des moyens diplomati¬
ques, en multipliant les pressions
sur les Américains, le gouverne¬
ment autonome du Kurdistan et
les autorités irakiennes. Mais les
autorités turques ont annoncé
qu'elles ne se contenteraient pas
de mesures cosmétiques.
Adrien Jaulmes