november-2010
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Photograph: Photolibrary, Corbis, Laurent Vautrin<br />
est un marécage fétide, totalement inadapté à la vision<br />
royale de jardins verdoyants dédiés aux arts. Il n’y a même<br />
pas une seule étendue d’eau naturelle pour refl éter le paysage,<br />
élément vital de l’architecture paysagère de l’époque.<br />
Néanmoins, le jardinier en chef du Roi, André Le Nôtre,<br />
ne se laisse pas décourager par le terrain inhospitalier. En<br />
quelques mois, il dessine des plans dignes d’un monarque<br />
et des escadrons de jardiniers, d’ouvriers et de fontainiers<br />
se mettent au travail. Des milliers de tonnes de terre sont<br />
déplacées, notamment pour créer le fameux Grand Canal. À<br />
un moment donné, 36 000 hommes sont sur le site. « Le roi<br />
voulait que les jardins symbolisent son pouvoir et montrent<br />
que même la nature devait lui obéir, dit Baraton. »<br />
Quatre siècles plus tard, le résultat laisse encore sans voix.<br />
Devant le château, les jardins à la française sont structurés<br />
avec une précision mathématique pour former un écrin<br />
végétal qui met en valeur les fontaines et les statues.<br />
Au-delà se dressent les plus petits châteaux du Grand et<br />
du Petit Trianon et, blotti au cœur de jardins plus sauvages,<br />
le romantique hameau de style normand dans lequel Marie-<br />
Antoinette jouait à la laitière. Aujourd’hui, le domaine<br />
s’étend sur environ 900 hectares.<br />
« Dans des jardins à la française, le jardinier est un<br />
architecte. Même les arbres n’ont pas le droit de pousser,<br />
explique Alain Baraton. Dans un jardin anglais romantique, le<br />
jardinier devient un poète qui crée une vision idéalisée de la<br />
nature avec de petits ruisseaux, des bancs et des recoins : un<br />
cadre propice à la fl ânerie ou au marivaudage.<br />
« Ainsi, si vous voulez séduire quelqu’un, vous<br />
ne l’emmenez pas dans un jardin à la française<br />
comme les Tuileries. C’est un couloir. »<br />
Louis XIV était si déterminé à montrer ses<br />
jardins sous leur meilleur jour à ses hôtes de<br />
marque qu’il a composé six promenades guidées.<br />
Ainsi, celle pour Marie-Béatrice d’Este, deuxième<br />
épouse du roi Jacques II d’Angleterre, a été<br />
composée pour le 19 juillet à 6 heures du soir.<br />
Le Nôtre, qui a dessiné de nombreux autres jardins<br />
The<br />
symmetrical<br />
motifs of<br />
the grand<br />
Orangerie<br />
Les motifs<br />
symétriques<br />
du Parterre de<br />
l’Orangerie<br />
célèbres, notamment Chantilly, demeure le jardinier français<br />
le plus reconnu. Si l’on entre aux Tuileries par la place de la<br />
Concorde, on peut admirer son buste observant les jardins.<br />
Et si Versailles attire les touristes du monde entier, ses<br />
splendeurs demeurent également très populaires auprès des<br />
Français. Une étincelle dans les yeux, Baraton remarque :<br />
« L’ironie, c’est que presque tous les Français se disent<br />
républicains alors que les monuments historiques auxquels<br />
ils sont le plus attachés sont des symboles de la royauté. »<br />
Après avoir créé une résidence royale à l’opulence<br />
sans égal, Louis XIV renforça son infl uence en mettant à<br />
contribution les plus grands esprits scientifi ques de l’époque.<br />
En 1666, il fonde l’Académie des Sciences, et Versailles<br />
devient un lieu d’échanges érudits avec des scientifi ques<br />
invités à la cour en tant qu’ingénieurs de l’armée ou de la<br />
marine ou précepteurs des princes. Cette relation étroite<br />
entre les cercles académiques et la cour se poursuivra durant<br />
les règnes de Louis XV et Louis XVI.<br />
METROPOLITAN 87