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EN QUETE D'UN REEL LINGUIST/QUE 189
Les philologues anciens ne theorisent jamais la finalite de leur pratique;
ils conservent, expliquent, commentent par raison pratique plus que
theorique. Leur demarche procede de !'immanence pragmatique. Leur
verite est dans l'adaequatio intellectus et rei. au sens Ie plus litteral du
terme. c'est-a-dire dans l'ajustement en que1que sorte empathique de
leur intelligence au texte a expliquer. Les philologues modernes theorisent
de plus en plus leur pratique. Le discours sur la philologie. ses fins
et ses moyens. commence veritablement a la Renaissance. lorsque
l'antiquite est suffisamment depassee, pour ainsi dire. en tant qu'epoque
achevee. Du point de vue de la philologie. Ie Moyen age, occidental
surtout. n'entreprit jamais de prendre en charge l'antiquite cornme une
anteriorite close et significative en soi : il se contenta de la prolonger et
surtout d'en sauvegarder. tant bien que mal. les acquis. Autrernent dit.
l'antiquite n'avait pas pour Ie Moyen age la perfection d'une entelechie.
Cest a l'epoque rnoderne qu'il appartient veritablement de constituer
pour ainsi dire en principe et en realite l'antiquite. des lors erigee au
statut de canonique et de classique. Et plus l'antiquite. sous les doigts
des modernes. prit forme comme un ensemble organique. plus la
science philologique s'eloignait de la seule litteralite des textes pour
s'ouvrir a toutes les formes de vestiges. A l'immanence textuelle de la
lettre s'ajouta par postulat theorique la transcendance d'une construction
philosophique, voire ideologique. proposant Ie depassement de la
lettre vcrs !'idee de tradition.
Apartir de la Renaissance, la philologie se developpa peu a peu dans
deux directions nullement exclusives l'une de l'autre: l'exegese des
textes. telle qU'elle etait pratiquee depuis l'epoque grecque. et la
construction theorique. metahistorique. voire axiologique. de l'antiquite
comme une realite conceptuelle. Dans ce double sens. la philologie peut
etre dite metalangage, d'une part parce qu'elle tisse un paratexte ou
rnetatexte veritablement textue1 autour du texte-source qu'elle prend
pour objet. d'autre part parce qu'elle elabore un discours theorique
faisant de l'antiquite dans sa totalite un objet-en-soi. La philologie se
developpe en que1que sorte par scissiparite, voire fission nucleaire : a
!'isomorphisme structure1 de la philologie grecque. OU Ie comrnente et Ie
commentaire sont unis par une rnerne langue. se substituent peu a peu
diverses sortes d·heteromorphisme. A la langue unique. Ie grec, s'ajoute
a partir de la periode romaine la deuxieme langue ancienne.le latin: au
travail du commentaire s'ajoute peu a peu l'activite de traduction. La
sphere greco-Iatine se prolonge tout au long du Moyen age. sous la
forme bifide Occident latin vs Orient byzantin. Si chaque moitie connait
l'autre. ce n'est qu'apres Ie Moyen age toutefois que l'antiquite se
trouve veritablernent envisagee comme une totalite bilingue et non
comrne Ie simple agregat de deux entites linguistiquernent distinctes. La