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EN QUETE D'UN REEL LINGUISTIQUE 175
qui constitue son enveloppe phenomenaIe disparait peu a peu ; elle
s'evapore dans Ie Hou des ruines et des devastations. La realite noumenale
du sens s'estompe aussi correlativement; sous l'ecroulement des
signifiants les signifies deviennent fragiles et perdent leurs etais. La
tache de la philologie consiste precisement a suppleer Ie sens perdu, a
retisser Ie lien entre les trois angles du triangle signifiant-signifiereferent.
La philologie prend acte, d'une part, de la perte d'une realite
donnee et, d'autre part, de la perte de contact avec cette realite ; elle
travaille a la reconstitution du reel estompe, gauchi ou perdu. Elle y
travaille par Ie biais de la langue, ecume phenomenale ou fant6me
noumenal de la realite disparue. Elle y travaille, d'une maniere
inauguree par les Alexandrins eux-memes. sur Ie mode du ressassement
perenne. Les philologues alexandrins realisent l'exhaussement de
l'antiquite (grecque en l'occurrence) au rang d'antiquite classique, c'esta-dire
de totalite close et achevee, canonique et inaugurale. La philologie
alexandrine materialise !'idee de tradition en constituant l'antiquite en
objet parfait et complet. La reification du passe est la condition de
possibilite de son etude, c'est-a-dire de sa prise en charge epistemique
par des temps nouveaux que definit sans doute l'idee de modernite. Le
terme certes est difficile et infiniment complexe ; il n'est pas evidemment
Ie simple antonyme du mot antiquite. La modernite definit surtout
et avant tout une forme nouvelle - ou, plus justement encore, l'emergence
de - la subjectivite. La philologie se caracterise par la constitution
en objet de l'antiquite classique; la reification des reuvres de
l'esprit est sa raison d'etre et sa fonction. Elle peut etre dite moderne
dans la mesure OU elle est constitutive d'une subjectivite par
reverberation de l'objet. La philologie constitue un sujet en objet. en
meme temps que son objet la constitue sujet.
La limite de la philologie, si l'on peut dire. reside dans sa nature
fondamentalement dependante. La subjectivite dont dIe est porteuse est
toujours seconde, secondaire, voire parasite. La philologie des premiers
temps porte exclusivement sur la langue, c'est-a-dire sur la realite
verbale des textes et, par simple ricochet, sur la realite materielle,
historique et humaine que les mots denotent. Les premiers philologues
scrutent un monde evanoui a travers la surface phenomenale des mots.
lIs interrogent sans fin les textes qui composent pour eux Ie grand texte
de l'antiquite devenue classique. Leur logique est circulaire et tautologique,
fondamentalement autoreferentielle surtout. L'exegese, si elle
ne peut echapper au statut d'excroissance, renvoie toujours et avant
tout au texte premier. Tout ramene en permanence a la lettre du textesource,
dont la philologie propose en quelque sorte d'interpreter
l'esprit. La philologie se construit a !'interieur du vide ou du silence
introduit par Ie temps. Elle a pour fonction de donner de la voix a des