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174<br />

PASCALE HUMMEL<br />

voit egalement la naissance, pour ainsi dire fficielle et institutionnelle.<br />

de la philologie.<br />

La curiosite linguistique se rencontre. plus ou moins explicitement,<br />

tout au long de l'histoire litteraire de la Grece. La conscience linguistique<br />

que les auteurs eux-memes manifestent procede avant tout d'une<br />

sensibilite empirique sans pretention scientifique. La pratique etymologique<br />

par exemple, Ie plus souvent fantaisiste. releve en quelque sorte<br />

de l'affabulation poetique. Aucun auteur ne peut etre dit alors<br />

philologue. et les considerations de Platon sur la langue, par exemple,<br />

ressortissent avant tout a la philosophie du langage et non a la<br />

grammaire ou a la philologie. Les mots sont etudies en passant. a<br />

l'occasion de tel developpement ou argument. Ils ne sont pas Ie but ou<br />

l'objet exc!usif de l'attention. La naissance de la philologie a l'epoque<br />

hellenistique ou alexandrine realise plusieurs tournants.<br />

La philologie alexandrine, pour faire court, constitue Ie passe en<br />

antiquite c!assique : die fonde la tradition par un acte de prise en charge<br />

epistemique et realise sa traduction institutionnelle par Ie choix symbolique<br />

d'un lieu devolu a la pratique d'une science nouvelle. Cette<br />

philologie hellenistique. avant toute autre chose. place la langue au<br />

centre de l'attention. Elle prend acte de la distance chronologique, et<br />

surtout culturelle, qui s'est insinuee progressivement entre la synchronie<br />

de la koine dont elle participe et la Grece globalement dite<br />

classique. Les philologues alexandrins - scholiastes, commentateurs,<br />

grammairiens, exegetes - ne font aucun cas du temps ou de la<br />

chronologie. Les ceuvres de l'antiquite classique leur parviennent non<br />

pas tout a fait en bloc, mais comme un ensemble coherent sans relief<br />

chronologique. Le travail d'exegese auquel ils se livrent porte avant tout<br />

sur la langue et Ie sens cache qu'ils se pI' posent de devoiler. La<br />

philologie prend acte de l'eloignement progressif des ceuvres par<br />

rapport au monde qui les a forgees. Cette distance realise un decollement<br />

(comme on dirait un decollement de la retine) des mots par<br />

rapport aux referents. La constitution du passe en antiquite n'est autre<br />

peut-etre que ce decollement semiologique entre signifiant et referent.<br />

La philologie travaille a combler la lacune nee de ce decollement en<br />

quelque sorte schizophrenique, c'est-a-dire qui engendre une perte de<br />

contact avec la realite. Le commentaire philologique porte sur Ie signifie<br />

et Ie referent perdus a travers cet eloignement du monde OU ils sont nes.<br />

II vient combler ce que Ie signifiant, Ie contexte, ou tout autre element<br />

n'eclaire plus suffisamment. Il manifeste aussi parfois. d'une maniere<br />

qui peut surprendre. une ignorance propre au seul exegete et que ne<br />

partage meme pas necessairement Ie lecteur moderne. A mesure qu'un<br />

monde s'eloigne, la perte qui en decoule apparait de deux ordres: a la<br />

fois phenomenaIe et noumenale. La realite materielle, politique, sociale

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