OUSEION - Memorial University's Digital Archives Initiative ...
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PASCALE HUMMEL<br />
voit egalement la naissance, pour ainsi dire fficielle et institutionnelle.<br />
de la philologie.<br />
La curiosite linguistique se rencontre. plus ou moins explicitement,<br />
tout au long de l'histoire litteraire de la Grece. La conscience linguistique<br />
que les auteurs eux-memes manifestent procede avant tout d'une<br />
sensibilite empirique sans pretention scientifique. La pratique etymologique<br />
par exemple, Ie plus souvent fantaisiste. releve en quelque sorte<br />
de l'affabulation poetique. Aucun auteur ne peut etre dit alors<br />
philologue. et les considerations de Platon sur la langue, par exemple,<br />
ressortissent avant tout a la philosophie du langage et non a la<br />
grammaire ou a la philologie. Les mots sont etudies en passant. a<br />
l'occasion de tel developpement ou argument. Ils ne sont pas Ie but ou<br />
l'objet exc!usif de l'attention. La naissance de la philologie a l'epoque<br />
hellenistique ou alexandrine realise plusieurs tournants.<br />
La philologie alexandrine, pour faire court, constitue Ie passe en<br />
antiquite c!assique : die fonde la tradition par un acte de prise en charge<br />
epistemique et realise sa traduction institutionnelle par Ie choix symbolique<br />
d'un lieu devolu a la pratique d'une science nouvelle. Cette<br />
philologie hellenistique. avant toute autre chose. place la langue au<br />
centre de l'attention. Elle prend acte de la distance chronologique, et<br />
surtout culturelle, qui s'est insinuee progressivement entre la synchronie<br />
de la koine dont elle participe et la Grece globalement dite<br />
classique. Les philologues alexandrins - scholiastes, commentateurs,<br />
grammairiens, exegetes - ne font aucun cas du temps ou de la<br />
chronologie. Les ceuvres de l'antiquite classique leur parviennent non<br />
pas tout a fait en bloc, mais comme un ensemble coherent sans relief<br />
chronologique. Le travail d'exegese auquel ils se livrent porte avant tout<br />
sur la langue et Ie sens cache qu'ils se pI' posent de devoiler. La<br />
philologie prend acte de l'eloignement progressif des ceuvres par<br />
rapport au monde qui les a forgees. Cette distance realise un decollement<br />
(comme on dirait un decollement de la retine) des mots par<br />
rapport aux referents. La constitution du passe en antiquite n'est autre<br />
peut-etre que ce decollement semiologique entre signifiant et referent.<br />
La philologie travaille a combler la lacune nee de ce decollement en<br />
quelque sorte schizophrenique, c'est-a-dire qui engendre une perte de<br />
contact avec la realite. Le commentaire philologique porte sur Ie signifie<br />
et Ie referent perdus a travers cet eloignement du monde OU ils sont nes.<br />
II vient combler ce que Ie signifiant, Ie contexte, ou tout autre element<br />
n'eclaire plus suffisamment. Il manifeste aussi parfois. d'une maniere<br />
qui peut surprendre. une ignorance propre au seul exegete et que ne<br />
partage meme pas necessairement Ie lecteur moderne. A mesure qu'un<br />
monde s'eloigne, la perte qui en decoule apparait de deux ordres: a la<br />
fois phenomenaIe et noumenale. La realite materielle, politique, sociale