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l’attention des regardeurs vers sa dimension conceptuelle, au-delà du mur physique.
Et au même titre que le mur était avant tout dans les cœurs, les objets dont se
préoccupent Jens Haaning dans son travail sont foncièrement des objets conceptuels :
frontières, nationalités, différence culturelle... autant d’édifications conceptuelles
désamorcées par le même type d’éclat de rire. On n’a peut-être pas assez souligné
jusqu’ici l’une des choses les plus évidentes, les plus immédiates présente dans
ses réalisations, soit leur humour, tant dans la forme que dans leur contenu.
Turkish Jokes, Arabic Jokes... Des mots d’esprit au lieu de mots d’ordre, une joie
toute spinoziste, au lieu de la mélancolie adornienne. " Il est important pour moi ",
expliquait Haaning à Lars Bang Larsen, " que l’œuvre contienne toujours une
indication qu’elle est le produit de l’humour et de l’imagination d’un individu, afin
de préserver le modèle artistique d’être essentiellement un modèle analytique et
administratif, comme dans les versions de dénigration systématique des galeries
de la critique institutionnelle ". l’Ethique spinoziste plutôt que la morale d’Adorno,
pourrait être ici convoquée. Les théories esthétiques d’Adorno ont banalisé dans la
critique et la théorie de l’art un ton mélancolique, excluant toute forme d’humour
et imposant la déploration comme seul mode de réception autorisé de l’art.
Une survalorisation de la tristesse à l’opposé exact de l’Ethique spinoziste, qui
met la joie et le rire à son fondement. La joie n’est pas directement mauvaise,
explique-t-il, mais bonne, et c’est la tristesse, au contraire, qui est " directement
mauvaise " . " DEMONSTRATION : La joie (...) est un sentiment par lequel la
puissance d’agir du corps est augmentée ou aidée ; la tristesse, au contraire, est
un sentiment par lequel la puissance d’agir du corps est diminuée ou contrariée ;
et par conséquent (…) la joie directe est bonne, etc. C. Q. F. D. ». 5 Le rire, comme
la plaisanterie, sont définis par Spinoza comme « pure joie », à la différence de la
moquerie (don’t n’use jamais Haaning), qui est une expression du ressentiment,
et est donc intrinsèquement mauvaise. Une plaisanterie comme celle de
Turkish Joke imprimée et diffusée sous forme d’affiche à Genève (2002) peut
s’entendre à plusieurs niveaux : vis-à-vis de cette situation particulière des
immigrés dans le champ de la représentation, déjà évoquée, mais aussi relativement
à une autre forme de marginalité, la folie (la plaisanterie en question raconte
l’histoire d’un personnage atteint de démence). Présentée sous la forme d’une
affiche qui pourrait servir, peut-être, à annoncer un meeting politique ou une
conférence, la pièce conserve néanmoins, comme souvent chez Jens Haaning,
une allusion à quelque chose de privé, mais exprimé sous une forme plus que
personnelle. Le travail de Jens Haaning est ainsi presque toujours parsemé
de traces, ou d’indices autobiographiques, mais toujours d’une manière
très discrète, insaisissable en tous les cas pour les spectateurs qui ne le connaissent
pas personnellement.
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