2012_1 - Swissi

48 Sicherheit Sécurité Sicurezza 2012_1
Sécurité au travail
Emotions fortes en cas de réclamations des clients
insultes, injures ou menaces ne devraient pas faire partie du quotidien. Pourtant, dans
certains secteurs professionnels, les relations entre employés et clients dégénèrent
en conflits. un comportement professionnel permet d’éviter l’escalade: les employeurs
doivent tout faire pour que leurs collaborateurs soient le mieux préparés possible. Sur
certains segments professionnels, des mesures architecturales et techniques sont aussi
préconisées. il vaut mieux appeler la police trop tôt que trop tard.
Daniela Kuhn
est journaliste indépendante RP à Zurich.
L’homme venait de rater son avion
pour revenir de Dakar. Il y avait plusieurs
raisons à cela: il était déjà très en retard
pour l’enregistrement à l’aéroport. Son
bagage dépassait le poids admis et il avait
encore perdu du temps au contrôle de sécurité
en voulant emporter des fleurs, ce qui
était interdit. Comme il était retenu par le
personnel de sécurité, est arrivé ce qui devait
arriver: l’avion a décollé sans lui.
Bloqué à Dakar, l’individu appela l’agence
de voyages en Suisse auprès de laquelle il
avait réservé son vol. Furieux, il rejeta dès
ce moment la faute sur le manque d’organisation
de l’agence de voyages. L’employée
qui s’était occupée de lui expliqua
qu’il lui restait deux possibilités: il pouvait
demander à la compagnie aérienne
de faire une exception et de le laisser embarquer
sur le prochain vol, sinon il devait
réserver un nouveau vol. La première
solution n’était pas envisageable: l’homme
avait été déjà tellement grossier verbalement
avec le personnel de l’enregistrement
que la compagnie n’était disposée à
aucun arrangement.
Finalement, le voyageur prit un nouveau billet
sur internet. Une fois rentré, dès son premier
jour de travail, il fit irruption dans
l’agence de voyages. Il était toujours persuadé
que la compagnie aérienne et l’agence
de voyages étaient responsables de l’incident
et que l’agence devait donc lui rembourser
les frais générés. Comme la responsable
de l’agence de voyages, appelée, lui
refusait ce dédommagement, dans sa rage
le client déclara qu’il était boucher et que
l’agence de voyages ferait bien de surveiller
sa vitrine. Il ajouta que, où qu’elle soit, il
trouverait celle qui lui avait vendu les billets
et lui demanderait des comptes. Après
ces menaces, la responsable de la filiale, inquiète
pour la sécurité de ses employés, prévint
la police. Une semaine passa. Il y eut
une autre conversation, en présence des employés
et de la direction. L’homme était déjà
beaucoup plus calme. L’agence de voyages
transmit une réclamation à la compagnie
aérienne, au nom du client, avec peu d’es-
poir qu’elle aboutisse. La police ne fut pas
obligée d’intervenir.
Des situations similaires se rencontrent régulièrement,
dans certains cas les clients
se défendent à juste titre, dans d’autres non.
Mais qu’ils aient raison ou non, ceux qui
profèrent des injures, des insultes, voire des
menaces, sont extrêmement désagréables.
Ces dernières années, le nombre de conflits
entre les employés et les clients agressifs a
paru augmenter (voir interview). Les raisons
de cette évolution sont multiples. «La
perception que les clients ont d’eux-mêmes
a changé ces derniers temps», explique Albert
Vollmer, spécialiste en psychologie du
travail et des organisations à l’EPF. Il pense
que la concurrence s’est intensifiée dans les
différentes branches, notamment à cause
d’internet. «Le client se voit aujourd’hui
dans un rôle plus actif: il a une conscience
plus éclairée de la qualité, des exigences
plus élevées par rapport au produit et au
service, et connaît l’importance des réclamations.»
Les entreprises les plus grandes ont pris des
mesures de protection contre les clients
agressifs: dans les centres commerciaux,
dès que quelqu’un se révèle désagréable, un
code est crié. Plusieurs hommes apparaissent
immédiatement et forment un
cercle autour de la personne inquiétante.
D’après Roger Grab, spécialiste de la prévention
de la criminalité, il est courant
que la Police municipale de Zurich inter-
Mais qu’ils aient raison ou non, ceux qui profèrent des injures, des insultes, voire des menaces,
sont extrêmement désagréables. iStockphoto