01 11 12 10 D - Zeitung Le Lac, Murten
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<strong>10</strong> www.lelac.ch<br />
L Suite de la première page<br />
Interview avec André Blattmann,<br />
Chef de l’armée Suisse<br />
M. Blattmann, pourquoi avonsnous<br />
aujourd’hui encore besoin<br />
d’une armée?<br />
L’armée est aujourd’hui la seule<br />
réserve de la Suisse. Il y a peu de<br />
temps, nous avons eu le Sommet<br />
de la Francophonie, durant lequel<br />
4500 soldats étaient engagés. Que<br />
ce soit durant le WEF (World<br />
Economic Forum), qui est organisé<br />
chaque année, lors d’inondations<br />
ou d’importantes conférences<br />
internationales à Genève, à<br />
chaque fois, l’armée est engagée.<br />
En novembre, j’étais en Suisse<br />
centrale. Là, la population m’a<br />
dit à quel point l’engagement de<br />
l’armée lors des inondations de<br />
2005 a été important. Il s’agissait<br />
d’un engagement d’aide en cas de<br />
catastrophe, mais manifestement,<br />
cela ne va pas sans l’armée.<br />
Certains milieux politiques sont<br />
opposés à l’engagement de l’armée<br />
à des fins civiles. Quel est<br />
votre avis?<br />
Lorsque nous engageons l’armée<br />
pour le Sommet de la Francophonie<br />
ou pour l’aide en cas de catastrophe,<br />
il ne s’agit pas d’engagement<br />
en faveur des autorités<br />
civiles. Votre question vise-t-elle<br />
un éventuel engagement pour une<br />
fête de lutte ou s’agit-il de savoir<br />
si l’on doit faire intervenir l’armée<br />
dans le pays? La police peut<br />
répondre à cette dernière question<br />
et elle vous dirait qu’elle ferait<br />
appel à l’armée au plus tard après<br />
48 heures d’engagement, pour des<br />
raisons de capacité. Nous avons eu<br />
un exercice de protection d’aéroport<br />
avec 5000 personnes engagées.<br />
La police nous a dit sa satisfaction<br />
de nous voir participer à<br />
l’exercice, car elle n’aurait pas<br />
tenu au-delà de 48 heures.<br />
La collaboration entre l’armée<br />
et les organisations de sécurité<br />
civiles est donc très importante.<br />
Elle est très importante, elle fonctionne<br />
bien et elle est aussi régulièrement<br />
exercée. Un grand exercice<br />
réunissant les organisations de sécurité<br />
est prévu en Suisse en 2<strong>01</strong>4.<br />
Quelles sont les menaces<br />
qui pèsent aujourd’hui sur la<br />
Suisse?<br />
Je cite Ban Ki-moon, le secrétaire<br />
général de l’ONU: «Si la communauté<br />
internationale n’atteint pas<br />
les objectifs du millénaire» – il<br />
s’agit d’améliorer le bien-être des<br />
gens – «alors, cela pourrait avoir<br />
pour conséquence de l’instabilité,<br />
des guerres, des épidémies et de<br />
gigantesques flux de réfugiés qui<br />
pourraient aussi toucher les pays<br />
riches.» Peut-être avons-nous de<br />
la peine à nous imaginer cela,<br />
étant donné que la Suisse n’a plus<br />
connu de guerre depuis 160 ans et<br />
que nous pensons vivre dans un<br />
Paradis à l’abri de l'insécurité qui<br />
l’entoure. Pour moi, le point le<br />
plus important et qui s’avère être<br />
un fait, c’est que l’économie en<br />
Europe ne va pas aussi bien que<br />
nous le souhaiterions. Il y a des<br />
pays en Europe occidentale qui<br />
comptent plus de 20% de chômeurs<br />
ainsi que des Etats qui sont<br />
très endettés. C’est pourquoi je<br />
suis persuadé – mais je ne nomme<br />
aucun pays – que des développements<br />
futurs pourraient avoir un<br />
impact sur la sécurité. C’est pourquoi<br />
il est important que nous<br />
tenions compte de cet aspect. Il y<br />
a douze ans, pendant la guerre du<br />
Kosovo, nous avons exploité et<br />
protégé des foyers pour réfugiés<br />
avec l’armée. Tout le monde pensait<br />
que cela allait de soi que l’ar-<br />
mée fasse cela. Personne d’autre<br />
n’aurait d’ailleurs pu le faire. Et<br />
c’est aujourd’hui toujours le cas.<br />
Nous ne savons pas si une telle<br />
situation peut se présenter à nouveau<br />
demain déjà.<br />
Vous ne vous attendez pas à ce<br />
qu’un ennemi écrase toute l’Europe<br />
et arrive tout à coup en<br />
Suisse.<br />
Pour le moment, ce n’est pas une<br />
option que j’envisage. Je ne l’envisage<br />
pas non plus pour les prochains<br />
mois et les prochaines<br />
années. Ce que l’on doit toutefois<br />
savoir, c’est que 1500 milliards<br />
sont dépensés chaque année pour<br />
l’armement dans le monde. Nous<br />
ne savons pas aujourd’hui si ces<br />
marchandises seront jamais utilisées.<br />
Tous n’ont pas, comme nous,<br />
une armée purement défensive. Il<br />
existe également des forces armées<br />
agressives. Nous ignorons ce qui<br />
peut se passer demain.<br />
<strong>Le</strong>s armées européennes sontelles<br />
une protection pour la<br />
Suisse?<br />
Tant que la paix règne, tout est<br />
une protection. Mais si quelque<br />
chose arrive, il est très probable<br />
qu’on doive se débrouiller seul.<br />
Un exemple tiré de l’économie: il<br />
y a deux ans, lorsque la crise a<br />
commencé, General Motors<br />
connaissait de grandes difficultés.<br />
La question était de savoir quelles<br />
divisions devraient éventuellement<br />
être fermées. A cette occasion,<br />
la solidarité entre les pays n’a<br />
plus fonctionné: chacun se battait<br />
pour ses places de travail. Ce que<br />
je dis, c’est: tant que nous sommes<br />
amis, nous pouvons tout faire<br />
ensemble. Nous avons d’excellents<br />
contacts avec les Allemands, les<br />
Français, les Italiens et les Autrichiens.<br />
Nous nous rendons régulièrement<br />
visite et échangeons des<br />
informations. Mais en cas de coup<br />
dur, chacun doit pouvoir veiller à<br />
ses propres intérêts.<br />
N’y a-t-il pas de solidarité possible?<br />
Je ne voudrais pas en dépendre.<br />
C’est un fait: l’armée et la sécurité<br />
ont un prix. Cela ne sert toutefois<br />
à rien d’avoir un instrument<br />
qui ne jouera pas en cas de<br />
besoin.<br />
<strong>12</strong>/<strong>10</strong> <strong>01</strong>/<strong>11</strong><br />
Quelle est la différence entre<br />
une guerre symétrique et une<br />
guerre asymétrique?<br />
<strong>Le</strong>s guerres symétriques sont des<br />
conflits entre armées; char d’assaut<br />
contre char d’assaut pourrait-on<br />
dire. <strong>Le</strong>s guerres asymétriques<br />
opposent des armées à des<br />
groupements armés, éventuellement<br />
à des bandes séditieuses<br />
armées ou à des personnes qui<br />
représentent des groupes d’intérêts<br />
particuliers et qui ne représentent<br />
pas un Etat (acteurs non étatiques).<br />
Vous parlez de «cyberguerre».<br />
Concrètement, où est le problème?<br />
Il y a plusieurs problèmes. Des<br />
personnes malveillantes peuvent<br />
par exemple s’introduire dans nos<br />
systèmes ou dans mon ordinateur<br />
et en retirer les contenus. Que ce<br />
soit à l’armée, mais aussi dans<br />
l’économie, il y a des secrets dont<br />
il faut prendre soin. Si ces informations<br />
arrivent dans de mauvaises<br />
mains, elles peuvent nuire à<br />
l’armée ou à la place économique<br />
suisse. <strong>Le</strong>s virus informatiques,<br />
comme «Stuxnet», sont un autre<br />
problème et peuvent détruire des<br />
disques durs. Imaginez que<br />
«Stuxnet» parvienne à éteindre<br />
une centrale électrique – tout le<br />
réseau d’alimentation s’écroulerait.<br />
Ou imaginez encore que,<br />
pendant une semaine, on ne puisse<br />
plus retirer d’argent au bancomat,<br />
que les cartes de crédit ne soient<br />
plus valables et qu’il n’y ait plus<br />
aucun moyen de paiement: cela<br />
pourrait créer des perturbations<br />
majeures. En l’occurrence, l’armée<br />
doit pouvoir protéger des installations.<br />
Pour moi, il est important<br />
que l’armée ne prenne pas des<br />
mesures contre ses propres citoyens,<br />
mais qu’elle protège des installations,<br />
afin que celles-ci ne soient<br />
pas détruites. L’armée devra probablement<br />
aussi investir davantage<br />
pour garantir la protection de<br />
ses propres systèmes informatiques.