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5<br />
6 BELLECHASSE<br />
PHILIPPE THARIN<br />
Bellechasse: nouveau directeur<br />
En 1998, les Etablissements pénitentiaires<br />
de Bellechasse ont célébré leur<br />
centenaire. La première colonie pénitentiaire<br />
est entrée à Bellechasse en<br />
1898. Entre 1895 et 1919, dans le<br />
cadre des travaux effectués pour la<br />
première correction des eaux du Jura<br />
et en vue d’agrandir Bellechasse, le<br />
canton de Fribourg racheta de nombreux<br />
terrains aux fermiers de la<br />
région.<br />
Suite à la réorganisation de l’exécution<br />
des peines en 1915, la décision<br />
fut prise de réunir tous les établissements<br />
pénitentiaires de Fribourg<br />
dans le Grand Marais et d’ériger<br />
dans la région un établissement pour<br />
l’exécution des peines concernant<br />
Alors qu’on vous offrait une promotion,<br />
vous renoncez à poursuivre<br />
une carrière militaire couronnée<br />
de succès pour reprendre<br />
le poste de directeur à Bellechasse.<br />
En riant: En fait, je ne devrais pas le<br />
dire, mais je n’étais plus du tout d’accord<br />
avec les visions du DDPS, surtout<br />
en ce qui concerne la façon dont les<br />
gens y étaient traités. Tenez, par<br />
exemple, la façon dont le chef du DDPS<br />
a agi envers le commandant de corps J.<br />
Dousse et d’autres personnes pour ensuite<br />
se justifier publiquement dans la<br />
Sonntagszeitung! Lorsque des personnalités<br />
dirigeantes sont traitées de la<br />
sorte, je me pose une question centrale:<br />
le soldat est-il considéré en premier<br />
lieu comme un être humain? <strong>Le</strong> jour<br />
suivant cet incident, j’ai lu l’offre du<br />
poste de directeur de Bellechasse dans<br />
les Freiburger Nachrichten. On y formulait<br />
des critères extrêmement exigeants,<br />
ce qui m’a incité à écrire spontanément<br />
un mail à l’adresse indiquée<br />
avec le contenu suivant: «J’ai bien lu<br />
des mineurs, des femmes, des hommes,<br />
des condamnés aux travaux<br />
forcés ainsi que pour des colons.<br />
A Bellechasse se trouvent des délinquants<br />
primaires jugés dangereux<br />
condamnés à des peines et mesures<br />
allant de 6 mois à perpétuité.<br />
Henri Nuoffer dirigea les établissements<br />
de Bellechasse de 1981 jusqu’à<br />
fin octobre 2003; depuis le 1 er<br />
novembre 2003, la direction est<br />
assurée par Philippe Tharin, colonel<br />
à l’état-major et dont la carrière militaire<br />
a débuté en 1979, qui a<br />
également été commandant d’école<br />
et directeur de projets à l’armée.<br />
Philippe Tharin est marié et a trois<br />
enfants adultes.<br />
Entretien avec Philippe Tharin,<br />
directeur des Etablissements de Bellechasse<br />
votre annonce – et je pense que seul<br />
Dieu peut remplir vos exigences – et je<br />
suis persuadé qu’il va y réfléchir à deux<br />
fois…». Trois heures après ce mail, la<br />
maison chargée du recrutement m’a<br />
demandé par mail si j’étais intéressé<br />
par le poste. C’est ainsi que nous sommes<br />
entrés en contact et que finalement,<br />
je me suis retrouvé à ce poste.<br />
Que pensez-vous de l’attitude des<br />
Américains envers les prisonniers<br />
en Irak?<br />
Cela me fait mal au coeur! Mais la culture<br />
ne s’achète pas. Seuls les Américains<br />
sont intéressés par l’Irak – et cet<br />
intérêt est purement économique et<br />
militaire. Il n’existe pas et il n’y aura<br />
jamais de guerre «propre», malheureusement.<br />
Quelles ont été vos premières<br />
actions de directeur à Bellechasse?<br />
En octobre 2003, j’ai écrit à tous les<br />
employés de Bellechasse et je leur ai envoyé<br />
également un questionnaire par<br />
lequel ils pouvaient, entre autres, faire<br />
part de leurs propositions d’amélioration.<br />
Entre le 4 novembre et le 18 décembre,<br />
j’ai discuté personnellement<br />
avec chacun durant 30 minutes à<br />
1 heure. Ensuite, les 24 et 25 décembre,<br />
je me suis entretenu avec chacun<br />
des 160 détenus et leur ai remis un<br />
petit cadeau de Noël.<br />
Quels sont vos objectifs stratégiques?<br />
L’objectif premier est la sécurité. <strong>Le</strong>s livres<br />
nous apprennent que le bénéfice<br />
du doute est en faveur de l’accusé et je<br />
dirais qu’ici, il est en faveur de la société.<br />
<strong>Le</strong> deuxième objectif est d’assurer<br />
le respect du personnel, qui doit se sentir<br />
à l’aise dans son travail. <strong>Le</strong> personnel<br />
ne peut travailler efficacement que<br />
s’il se sent respecté. Suite à mes entretiens<br />
avec nos quelque 110 collaborateurs,<br />
je sais que chacun est ici à sa<br />
place. La plupart sont des artisans ou<br />
des agriculteurs au bénéfice d’une<br />
maîtrise fédérale et ont été formés au<br />
«Centre professionnel» de Fribourg durant<br />
trois ans. Ces collaborateurs sont<br />
plus que de simples policiers qui en<br />
général n’ont plus rien à faire par la<br />
suite avec les personnes qu’ils ont<br />
arrêtées. Si les contacts entre le personnel<br />
et les détenus n’étaient pas bons, le<br />
personnel serait constamment sous<br />
pression puisqu’il côtoie les détenus<br />
tous les jours. <strong>Le</strong> troisième objectif est<br />
de considérer les détenus comme des<br />
êtres humains. Un détenu qui est traité<br />
correctement est d’emblée plus calme<br />
et moins dangereux envers le personnel.<br />
Au début, j’ai été choqué par le ton<br />
sur lequel les détenus interpellaient le<br />
personnel. Je ne peux le tolérer et j’ai<br />
immédiatement augmenté les mesures<br />
disciplinaires, par exemple en supprimant<br />
certains avantages pour le détenu.<br />
Nous avons assez de possibilités<br />
pour instaurer le respect et des mesures<br />
supprimant une activité sportive ou une<br />
visite font mal. <strong>Le</strong> règlement est là pour<br />
qu’on le respecte. Aujourd’hui, 6 mois<br />
plus tard, je peux dire que «Radio<br />
Bellechasse» a fonctionné et que nous<br />
avons pu relâcher nos mesures de répression.<br />
Quelle a été la plus longue durée<br />
d’incarcération d’un détenu?<br />
En 1993, un détenu est sorti de<br />
Bellechasse après 50 ans de détention,<br />
un autre après 43 ans. La plupart des<br />
détenus sont à Bellechasse pour une<br />
durée allant de 3 à 5 ans.<br />
Que coûte un détenu?<br />
A Bellechasse, un détenu coûte environ<br />
300 francs par jour. Dans d’autres établissements,<br />
ce montant peut aller jusqu’à<br />
750 francs par jour. <strong>Le</strong> canton qui<br />
nous envoie un détenu nous verse env.<br />
150 francs par jour. <strong>Le</strong>s 150 francs<br />
restants sont pris en charge en partie<br />
par le citoyen ou sont couverts par nos<br />
recettes. Notre exploitation agricole est<br />
dans les chiffres noirs!<br />
Comment se passe la réinsertion<br />
dans la vie de tous les jours?<br />
La plupart des détenus n’ont pas de<br />
profession ou n’ont pas terminé leur<br />
formation. Grâce à notre infrastructure,<br />
nous avons la possibilité de placer<br />
ces personnes là où leurs capacités et<br />
compétences peuvent être utilisées au<br />
mieux et où elles peuvent apprendre<br />
quelque chose. Cela peut aller du service<br />
d’entretien à la formation d’un<br />
ouvrier sur moissonneuse-batteuse. <strong>Le</strong><br />
canton met à notre disposition des artisans<br />
à la retraite qui viennent régulièrement<br />
s’occuper de petits groupes et<br />
apprendre certains travaux aux détenus.<br />
Nous avons également un projet<br />
en cours destiné aux PME de la région.<br />
De nombreuses PME doivent refuser<br />
certains contrats pour des raisons<br />
financières. Notre but n’est pas d’évincer<br />
ou de concurrencer d’autres PME ou<br />
<strong>Le</strong><strong>Lac</strong> Nr.6/2004<br />
encore des ateliers pour handicapés,<br />
mais je pense que des PME pourraient<br />
mettre leurs machines à notre disposition,<br />
pour un certain temps afin que<br />
nos détenus puissent apprendre la<br />
fabrication de certaines pièces. Ainsi,<br />
celles-ci pourraient être fabriquées à<br />
moindre coût et nos détenus auraient<br />
appris le maniement de ces machines.<br />
<strong>Le</strong>s PME qui participeraient à cette action<br />
pourraient par la suite engager<br />
éventuellement le détenu à sa sortie<br />
de prison. Actuellement, certaines<br />
pièces simples, qui sont fabriquées<br />
aujourd’hui dans les pays de l’Est surtout<br />
en Asie, pourraient être fabriquées<br />
chez nous. Cet aspect n’est pas<br />
encore très connu auprès des entreprises<br />
suisses.<br />
Un groupe de managers à la<br />
retraite travaille pour vous<br />
actuellement. Quel est son but ?<br />
Ce groupe, formé de managers de<br />
Suisse romande à la retraite, développe<br />
actuellement des idées de collaboration<br />
avec des PME de la région. Par<br />
exemple, nous vendons 6 tonnes d’asperges<br />
par année. Nous avons proposé<br />
au Restaurant Bel-Air, à qui nous<br />
livrons une tonne, de préparer les<br />
asperges contre un petit supplément<br />
de prix. <strong>Le</strong> Bel-Air aurait là une prestation<br />
supplémentaire - et nous un supplément<br />
dans nos caisses. Nous sommes<br />
également aussi en discussion<br />
avec la Ruag et la Landi.<br />
Quel message souhaitez-vous passer?<br />
Je souhaite établir un excellent climat<br />
de travail pour tous en misant sur les<br />
synergies des gens de bonne volonté<br />
autour de nous. Pour atteindre ce but,<br />
nous devons être disposés à communiquer<br />
entre nous et à nous respecter mutuellement<br />
en tant qu’êtres humains.<br />
Voilà deux conditions à remplir pour<br />
rétablir l’équilibre.<br />
M. Tharin, nous vous remercions<br />
de cet entretien.<br />
Deutscher Text: <strong>Le</strong><strong>Lac</strong> 5/04<br />
& www.lelac.ch (Archiv)<br />
Etablissements de Bellechasse<br />
160 détenus<br />
110 collaborateurs internes<br />
et externes<br />
87 bâtisses<br />
Terrains: 432 ha culture,<br />
293 ha alpages et forêts<br />
60 nationalités, 23% de Suisses<br />
Bétail: 400 vaches et boeufs,<br />
500 porcs, 40 chevaux,<br />
400 dindes, 400 poules<br />
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