Spectrum_03_2022
ANIMAE LIBERAEText und Illustration Mara Wehofsky2112 - The colonyverything and everybody is syntheticE here: only the richest of the rich couldafford to leave the dying earth behind. Everythinghere had to be built, and everythingneeded had to be brought. But everything isnot enough anymore, for nobody here.The flat and soil-red buildings are our newhome now. Everybody knows everybody.For some, the arrival on this red stone flyingthrough space was difficult, they had beenused to glamor and glory, but life here is betterdescribed as hard and boring. Money asa concept has been abandoned.Everybody here is a scientist. We harvestour vegetables, grains, and fruit inside of big,perfectly round holes filled with bright whitesynthetic soil; every single item looks thesame, nothing has a smell. Well, that is nottrue. Smell has become something foreignto us, as the breathable air inside our stationstinks because of the filtering chemicalsused to make it breathable. To put it better,everything stinks of metal and oil.Everybody needs to work, everybody contributesto keeping us alive, and every breathtaken by anybody is a fight against the sheeremptiness surrounding us. We fight againstan atmosphere so deadly to us it becomesironic at times. But laughing is somethingpeople here hardly do. We are supposed tolaugh when we are finished building a placewe could call home.At night we sit together. The dark sparklysky is something everybody has memorizedhere, and we look up to find earth, small asany other star. Together we admire her, insilence.Everybody here knows the painful truth.And we all feel it, inside of us, as we deeplydrown in loneliness, all together. Humanitythought that this would be our start asan intergalactic force, conquering the cosmos,victory after victory. Humanity neverthought it might be like this, trying to liveinside of death itself. Humanity thought itwould be easy, and prestigious. But in reality,we humans are overcoming what it oncemeant to be human. We must build our newheaven, in this red and dry world, but it willalways stink of metal and oil.Because we thought that going away wouldbe easy. We are infants who lost their mother.We chose it to be this way.The colony is our last chance. P26 spectrum 05.22
COUP DE GUEULETexte Joan LaissuePhoto PixabayBonheur, amour. Antagonisteou consubstantiel ?« L’expérience nous enseigne que bonheur et jouissance sont de pureschimères qu’une illusion nous indique au loin ; qu’au contraire la souffrance,la douleur sont réelles, qu’elles se font connaître elles-mêmesimmédiatement sans avoir besoin d’illusion et de délais. » A. Schopenhauerl est en effet assez complexe de penserI qu’Arthur Schopenhauer puisse proposerune pensée eudémonique décente de par lepessimisme qu’on lui reconnaît. Pourtant, cepenseur complet a pris soin de s’attarder surla question. Selon lui, le bonheur est une notionnégative, c’est-à-dire, l’inverse d’un étatnaturel. Douleur, souffrance, ennui, envie etangoisse sont intrinsèquement liés à la conditionhumaine qui porte en elle la Volontéet ses désirs. Le bonheur ne serait alors pardéfinition que l’absence inédite de déplaisiret de souffrance. Ce phénomène se contempledirectement dans la conception dudésir. Ce dernier suscite souffrance et ennuilorsqu’il ne peut être satisfait. Mais dès sasatisfaction, le déplaisir ne s’évanouit qu’untrès bref instant avant de laisser place à unequête nouvelle de satisfaction. C’est ainsique, proportionnellement à la nature de l’individu,il n’y a que l’instant d’où intervientle trouble émotionnel - au sein de l’existenceordinairement morne - qui nous émeutde manière perceptiblement forte, qu’il ensoit d’une profonde morosité ou d’une viveallégresse. Mais à nouveau, cet état, aussisensible puisse-il être, cessera en des délaistrès brefs ; l’illusion se dissipe. En résumé,nous pourrions exprimer cette pensée parla doctrine aristotélicienne suivante : « Lesage n’aspire pas au plaisir mais à l’absencede souffrance ».Mais est-il totalement inconcevable d’imaginerune ivresse existentielle ? Une ontologieimmanente d’une jouissance objective ?Dépasser l’amour ?Nietzsche proposait alors comme sortiede cette condition précaire de souffrance,l’acceptation et même l’affirmation de cesaspirations naturelles au bonheur, en les dépassantalors. Mais cet amour de son propresort, n’est-il pas à nouveau, un stratagème dela nature afin de ne plus ressentir ce dégoûtconstant ?Le monde des représentations n’est que l’expressiondu monde de la volonté, c’est-à-dire,une illusion constamment entretenue par«L’amour, c’est l’ennemi ; [..] leGénie de l’espèce est un industrielqui ne veut que produire.Il n’a qu’une pensée, penséepositive et sans poésie, c’est ladurée du genre humain»Arthur Schopenhauerla condition humaine. S’il y a un sujet philosophiquedes plus axiomatiquement acceptés,c’est certainement l’amour. Ce dernierserait en effet chimérique, un « au-delà »intellectuel, une transcendance toute particulière.C’est certainement ce qui fait qu’unexamen métaphysique de l’amour est choseparticulièrement complexe et de facto contraireà l’ordre naturel. Si une telle opinionest réversive, elle devient nécessaire lors del’analyse de notre paradigme sur l’amour. Sicelui-ci n’est en effet que l’instrumentalisationde la volonté conséquemment à la conditionhumaine afin d’immortaliser l’espèce, ilfaut dès lors conjecturer que l’« intellĕgĕre »n’est en mesure que de donner une opinionfavorable aux phénomènes qui elle-même laconçoivent. Comme d’après la propositionde Nietzsche : « Il y a toujours un peu defolie dans l'amour mais il y a toujours un peude raison dans la folie. » ; il faut égalementse demander si accepter la fatalité du genrehumain n’édifie pas également une pertinencealors inexpérimentée ? Une expérimentationéclairée et lucide de la fantasmagorieélaborée par notre nature intrinsèque n'a-tellepas un intérêt existentiel et nécessaire àl’étude ontologique du genre humain et deses affects ? Ou alors, cette nature, doit-on lanier pour avoir accès aux plus hautes sphèresde la raison et de l'objectivation (pourautant qu’elles existent) ? P05.22spectrum27
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COUP DE GUEULE
Texte Joan Laissue
Photo Pixabay
Bonheur, amour. Antagoniste
ou consubstantiel ?
« L’expérience nous enseigne que bonheur et jouissance sont de pures
chimères qu’une illusion nous indique au loin ; qu’au contraire la souffrance,
la douleur sont réelles, qu’elles se font connaître elles-mêmes
immédiatement sans avoir besoin d’illusion et de délais. » A. Schopenhauer
l est en effet assez complexe de penser
I qu’Arthur Schopenhauer puisse proposer
une pensée eudémonique décente de par le
pessimisme qu’on lui reconnaît. Pourtant, ce
penseur complet a pris soin de s’attarder sur
la question. Selon lui, le bonheur est une notion
négative, c’est-à-dire, l’inverse d’un état
naturel. Douleur, souffrance, ennui, envie et
angoisse sont intrinsèquement liés à la condition
humaine qui porte en elle la Volonté
et ses désirs. Le bonheur ne serait alors par
définition que l’absence inédite de déplaisir
et de souffrance. Ce phénomène se contemple
directement dans la conception du
désir. Ce dernier suscite souffrance et ennui
lorsqu’il ne peut être satisfait. Mais dès sa
satisfaction, le déplaisir ne s’évanouit qu’un
très bref instant avant de laisser place à une
quête nouvelle de satisfaction. C’est ainsi
que, proportionnellement à la nature de l’individu,
il n’y a que l’instant d’où intervient
le trouble émotionnel - au sein de l’existence
ordinairement morne - qui nous émeut
de manière perceptiblement forte, qu’il en
soit d’une profonde morosité ou d’une vive
allégresse. Mais à nouveau, cet état, aussi
sensible puisse-il être, cessera en des délais
très brefs ; l’illusion se dissipe. En résumé,
nous pourrions exprimer cette pensée par
la doctrine aristotélicienne suivante : « Le
sage n’aspire pas au plaisir mais à l’absence
de souffrance ».
Mais est-il totalement inconcevable d’imaginer
une ivresse existentielle ? Une ontologie
immanente d’une jouissance objective ?
Dépasser l’amour ?
Nietzsche proposait alors comme sortie
de cette condition précaire de souffrance,
l’acceptation et même l’affirmation de ces
aspirations naturelles au bonheur, en les dépassant
alors. Mais cet amour de son propre
sort, n’est-il pas à nouveau, un stratagème de
la nature afin de ne plus ressentir ce dégoût
constant ?
Le monde des représentations n’est que l’expression
du monde de la volonté, c’est-à-dire,
une illusion constamment entretenue par
«L’amour, c’est l’ennemi ; [..] le
Génie de l’espèce est un industriel
qui ne veut que produire.
Il n’a qu’une pensée, pensée
positive et sans poésie, c’est la
durée du genre humain»
Arthur Schopenhauer
la condition humaine. S’il y a un sujet philosophique
des plus axiomatiquement acceptés,
c’est certainement l’amour. Ce dernier
serait en effet chimérique, un « au-delà »
intellectuel, une transcendance toute particulière.
C’est certainement ce qui fait qu’un
examen métaphysique de l’amour est chose
particulièrement complexe et de facto contraire
à l’ordre naturel. Si une telle opinion
est réversive, elle devient nécessaire lors de
l’analyse de notre paradigme sur l’amour. Si
celui-ci n’est en effet que l’instrumentalisation
de la volonté conséquemment à la condition
humaine afin d’immortaliser l’espèce, il
faut dès lors conjecturer que l’« intellĕgĕre »
n’est en mesure que de donner une opinion
favorable aux phénomènes qui elle-même la
conçoivent. Comme d’après la proposition
de Nietzsche : « Il y a toujours un peu de
folie dans l'amour mais il y a toujours un peu
de raison dans la folie. » ; il faut également
se demander si accepter la fatalité du genre
humain n’édifie pas également une pertinence
alors inexpérimentée ? Une expérimentation
éclairée et lucide de la fantasmagorie
élaborée par notre nature intrinsèque n'a-telle
pas un intérêt existentiel et nécessaire à
l’étude ontologique du genre humain et de
ses affects ? Ou alors, cette nature, doit-on la
nier pour avoir accès aux plus hautes sphères
de la raison et de l'objectivation (pour
autant qu’elles existent) ? P
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