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DOSSIER
Texte Leonardo Mariaca
Photos Wikipedia, Leonardo Mariaca
La vie après le génocide du
Rwanda
Il y a 26 ans, une vingtaine de religieuses ont échappé
au génocide rwandais. Sœur Félicité Mukabeza et Sœur
Marie-Emmanuel Minot témoignent.
n juin 1994, le quotidien roman La
ELiberté publie un article intitulé
« Fribourg veut aider le Rwanda ». Une
vingtaine de Sœurs Hospitalières de
Sainte-Marthe venaient d’échapper au génocide
rwandais et avaient trouvé refuge
à la maison Sainte-Marthe de Brünisberg,
à Fribourg. Sœur Marie-Emmanuel Minot,
alors responsable des Sœurs Hospitalières
au Rwanda, résidant dans la paroisse de
Kabgayi au centre du Rwanda explique :
« Le génocide a débuté le 7 avril 1994. Nous
avions plusieurs communautés réparties
sur le territoire du pays, il a d’abord fallu les
rassembler. Nous avons ensuite formé deux
groupes, sans savoir ce qu’il adviendrait de
l'autre. Mon groupe et moi avons atteint la
frontière de la République démocratique du
Congo. » C’est de là-bas que les sœurs ont
pu être rapatriées en Suisse le 20 juin 1994.
« Il y a une épreuve durant notre fuite qui
m’a particulièrement marquée, confie Sœur
Marie-Emmanuel Minot, c’était lorsque les
milices nous ont arrêtées et ont mis de côté
nos sœurs Tutsis. Les milices nous ont dit
de continuer notre route sans elles. Mais les
sœurs Hutus se sont avancées et ont déclaré
qu’elles ne partiraient pas sans les autres. Ça
a été un témoignage d’unité pour ces gens,
qui nous ont toutes laissées partir. »
Le 6 avril 1994, les présidents rwandais et
burundais Juvénal Habyarimana et Cyprien
Ntaryamira meurent à la suite d’un attentat
: un missile abat leur avion alors qu’ils
Soeur Félicité Mukabeza (à gauche) et Soeur Marie-Emmanuel Minot (à droite) passent actuellement le
confinement à la maison Sainte-Marthe de Brünisberg à Fribourg.
s’apprêtaient à atterrir à Kigali, capitale du
Rwanda. C’est l’élément déclencheur du
génocide des Tutsis, un groupe ethnique
représentatif de 15 % de la population du
Rwanda, par les Hutus, un groupe ethnique
qui, lui, représente 80 % de la population.
Sœur Félicité Mukabeza témoigne : « Les
Sœurs Hospitalières de Sainte-Marthe
sont une congrégation religieuse qui a pour
mission d’aider les malades et les miséreux.
Nous sommes installées au Rwanda depuis
1970. Nous y avons construit des maternités
et des centres de soin. »
Retour au bercail
Arrivées à Fribourg, une vingtaine de Sœurs
sont accueillies et aidées à la maison mère
et par d'autres congrégations de Fribourg.
Le deuxième groupe resté au Rwanda les
rejoint en septembre 1994. Elles passeront
ces mois d’exil sans avoir de nouvelles de
leurs familles. La communauté fribourgeoise
a accueilli les jeunes femmes pour
une durée allant de quelques mois à deux
ans. « Certaines sont restées plus longtemps
car elles ont pu suivre des études, explique
Sœur Félicité Mukabeza. Après le génocide,
nous sommes progressivement retournées
au Rwanda. Moi et Sœur Marie-Emmanuel
faisions partie des premières à repartir,
en janvier 1995. » Sur place, leur première
mission a été de retrouver les familles des
sœurs. Les religieuses sont ainsi parties
à leur recherche dans un pays en pleine
reconstruction. Les contrôles sont fréquents,
la milice rôde et les maisons des
communautés sont désormais habitées par
des militaires. « Il a fallu de longues négociations
et de nombreuses démarches pour que
les militaires acceptent de quitter la maison
de la communauté de Ruhuha et le centre
de santé », affirme Sœur Marie-Emmanuel
Minot. Elle ajoute : « Mais petit à petit nous
avons pu reprendre notre mission d’aide aux
malades. Nous étions là pour aider le peuple
rwandais, sans distinction d'ethnie, en soignant
les corps et les cœurs blessés. »
Aujourd’hui, le Rwanda a bien changé.
Si les difficultés d'entente entre les deux
ethnies n’ont pas complètement disparu, il
est possible d’assister à des mariages entre
des membres des deux ethnies. Les Sœurs
Hospitalières de Sainte-Marthe continuent
de fournir aide et soins à la population
rwandaise. « Si je peux donner un conseil
aux jeunes pour que de telles horreurs ne
se reproduisent plus jamais, s’exprime sœur
Félicité Mukabeza, c’est d’être curieux de
l’Histoire. Il faut comprendre les raisons
qui ont amené à de tels massacres pour que
ceux-ci ne recommencent plus jamais. Soyez
bons les uns envers les autres. Aidez ceux
qui ont besoin d’aide. » P
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