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UNIPOLITIQUE
Texte Sylvain Cabrol et Kaziwa Raim
Illustration Antoine Bouraly
Aux frontières de l’intime
Les relations entre professeur·e·s et étudiant·e·s peuvent déborder du cadre strictement universitaire :
amitié, amour ou sexe, consenti ou subi. Le professeur Walter Stoffel, de l’Office de médiation de l’Université,
répond à nos questions sur le sujet.
On a tou·te·s ajouté un jour un·e enseignant·e
sur LinkedIn dans l’idée
de développer son réseau. La plupart du
temps, la relation reste professionnelle,
mais il arrive qu’elle évolue vers quelque
chose de plus personnel. Or, entre l’amitié
et l’intimité, il existe une large palette de
gris.
L’existence d’un rapport de dépendance
« Du point de vue juridique, il n’y a pas à
proprement parler de règle qui interdirait
une relation entre adultes consentant·e·s »,
nous explique le professeur Stoffel. « Néanmoins,
cela devient problématique dès lors
qu’existe un rapport de subordination. »
Cette zone grise concerne tous types de
relations : professeur·e·s et étudiant·e·s,
professeur·e·s et collaborateur·rice·s, professeur·e·s
ordinaires et chef·fe·s de département,
la liste est longue. « Lorsque les intéressé·e·s
ont le même statut, chacun·e se
trouve sur un pied d’égalité pour consentir
ou refuser », soutient le professeur. Il en va
de même si les personnes concernées ne
sont pas susceptibles de se croiser dans
le cadre universitaire : une relation entre
un·e étudiant·e en germanistique et un·e
professeur·e de droit est moins sujette à
caution que si l’étudiant·e suit des cours à
la faculté de droit.
Le médiateur en appelle au bon sens : « Dès
lors que l’un·e a un pouvoir sur les études
ou la carrière de l’autre, la relation devrait
ne pas s’engager sur un terrain intime. » Si
la relation existe, l’étudiant·e s’abstiendra
de suivre les cours de son amant·e et le·la
professeur·e se récusera. « Évidemment,
c’est plus compliqué d’expliquer cette attitude
si la relation n’est pas vécue ouvertement
», tempère-t-il.
Le degré et la chronologie de la relation
Le fait de s’ajouter sur un réseau social,
comme LinkedIn ou Facebook, est un geste
anodin pour certain·e·s, même si pour sa
part, le Prof. Stoffel préfère s’en abstenir.
Au-delà de ce geste, une attitude amicale
peut être acceptable ou déplacée selon les
circonstances : « Lors d’un voyage d’études,
une sympathie cordiale peut se créer et
le·la professeur·e peut prendre un verre en
compagnie du groupe d’étudiant·e·s », explique
le médiateur. « En revanche, une invitation
à prendre un café, adressée via
un réseau social à un·e élève en particulier,
paraîtra plus ambigüe. Surtout si ce
comportement se répète dans le temps.
Tout dépend du contexte. »
La chronologie joue aussi un rôle. L’actualité
du lien d’enseignement devrait
être un no-go pour les partenaires potentiel·le·s.
Ceci dit, si la relation naît
une fois l’examen validé avec succès et
s’il n’y a plus de perspective de lien à
caractère universitaire, cela est moins
problématique – à fortiori lorsque
l’étudiant·e a validé son mémoire de
fin d’études.
Consentement et respect mutuels
C’est une lapalissade : si relation
il y a, elle doit être mutuellement
consentie. Des invitations répétées
et non désirées à caractère intime
peuvent justifier une procédure disciplinaire,
voire pénale, dans les cas
de harcèlement caractérisé. « En tant
qu’ombudsman, j’ai l’obligation de
dénoncer une affaire dont la gravité
rend une médiation inappropriée ou
impossible », nous explique le Prof.
Stoffel.
« Le mot-clef, c’est le respect mutuel »,
rappelle le médiateur. « À cet égard,
celui·celle qui a le pouvoir dans la
relation a une plus grande obligation
que l’autre de faire preuve de respect
et de bon sens ». ■
6 03.2020