Autismus und Sehen « Le Syndrome de Schorderet- Munier ... - ophta

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HISTOIRE gnostique. De Genève, Halberg partit ensuite pour les États-Unis où il fit une carrière brillante. Nous voyons ainsi que Franceschetti était un homme ouvert, qui recherchait la collaboration des grandes personnalités de son époque. J’aimerais néanmoins insister sur l’intérêt qu’il portait aux représentants des nouvelles générations dedecins. Voici une anecdote qui m’a été relatée récemment : mon père avait comme assistant un réfugié iranien, qui travaille encore aujourd’hui à Genève. Un jour, le chef de la Police secrète du Shah d’Iran se présenta à la Clinique d’ophtalmologie pour y être traité. Selon l’usage, Franceschetti envoya son premier assistant commencer la consultation. Le ministre se rebiffa, refusant de se faire examiner par un ennemi du régime. Furieux, Franceschetti le convoqua dans son bureau et lui signifia sans ménagement que le médecin mis en cause était son meilleur assistant : si le ministre ne souhaitait pas être examiné par lui, il pouvait tout aussi bien s’en aller. Le ministre resta. Il eut par la suite besoin d’être opéré. Pendant l’intervention, pratiquée en anesthésie locale, Franceschetti lui dit qu’il serait bon que le gouvernement iranien octroie une bourse à ce jeune homme si talentueux. Et, comme par miracle, l’assistant obtint cette bourse. Troisièmement, pour faire un grand homme, il faut un esprit novateur qui ne redoute pas le changement. Dans les années quarante, chose inouïe, il nomma au poste de chef de clinique le Dr. Vera Bischler, la préférant à Jean Babel. Il s’agissait d’une femme exceptionnelle qui avait travaillé avec le célèbre généticien genevois Guyénot, l’un des pionniers de cette science. Par la suite, elle devint la responsable ophtalmologique du Service de Santé de la Jeunesse, un poste que j’ai également occupé. Fig. 2 Caricature de Franceschetti par Dubois-Poulsen (1935) Quatrièmement, il faut une capacité de travail exceptionnelle, bien au-dessus la normale. Franceschetti travaillait dans son service le matin, rentrait déjeuner à la maison, puis voyait ses patients privés tout au long de l’aprèsmidi dans son cabinet médical à l’étage en-dessous de son appartement. Après un dîner rapide et une petite sieste, il retournait à la clinique et passait la soirée à préparer ses communications scientifiques. Il y travaillait avec un assistant ou bien l’un de ses collaborateurs, toujours en présence de sa secrétaire perpétuelle, Lise Mayor, qui le suivit pendant toute sa carrière. Mademoiselle Mayor était connue pour son cycle de sommeil inversé, car elle continuait à travailler au plus profond de la nuit bien après le départ du patron. Elle finissait les documents, préparait les diapositives, puis allait se coucher à son tour. Le lendemain, Franceschetti pouvait se rendre à sa communication avec ses papiers scientifiques soigneusement rangés dans sa célébrissime « mappe », ce mot allemand qu’il utilisait pour désigner la grosse serviette qui le suivait partout. Elle contenait tous ses dossiers en cours. Un autre aspect est qu’il faut connaître plusieurs langues. Comme il avait grandit à Zurich, ses premières langues avaient été l’allemand et le suisse-allemand. Il parlait évidemment le français, l’italien puisque son père avait émigré en Italie et ma mère était italienne, et enfin l’anglais par nécessité scientifique, tout cela imprégné d’un fort accent zurichois. Le suisse-allemand mérite quelques commentaires à part, car c’est l’un des éléments essentiel de la vie helvétique, parlé par trois-quarts de la population. Lorsque Franceschetti faisait ses recherches en génétique, il allait rechercher des cas intéressants dans les régions rurales de Suisse. Sans le suisse-allemand, il lui aurait été impossible de reconstituer les nombreux arbres généalogiques qui firent l’objet de ses publications. Il disait volontiers : « une fois que vous êtes assis à la cuisine avec la famille, vous saurez tout d’eux, s’ils ont un problème oculaire, mental ou autre, car c’est là qu’ils gardent leurs enfants. » Il prépara un long rapport sur la génétique, qu’il présenta au premier congrès international d’Opthalmologie qui se tint après la guerre, à Londres, en 1950. Il fut le fondateur des congrès internationaux de génétique ainsi que membre des groupes de travail en Neuro-opthalmologie et Neuro-génétique de la Fédération internationale de Neurologie. Dans les années soixante, il écrivit avec Waardenburg Genetics and Ophthalmology, une œuvre en deux volumes, qu’il se proposait de compléter par un troisième sur les dégénérescences tapéto-rétiniennes. En 1963, avec François et Babel, il rédigea, sur ce sujet, un rapport destiné à la Société française d’Ophtalmologie. Au moment de son décès, une deuxième édition de Genetics and Ophthalmology était en préparation. Je la terminai et ce volume devint, de facto, le troisième de la série. Un autre aspect intéressant d’un grand ophtalmologue est le « networking », ce mot d’aujourd’hui qui désigne une réalité qui n’est pas nouvelle. Franceschetti voyait le patient comme un tout et, pour le traiter, il impliquait toutes les spécialités médicales. Il travaillait en étroite collaboration avec ses collègues de Genève, le Professeur Bamat- ophta • 4|2008 299

HISTOIRE Fig. 3 Franceschetti peint par Benoit di Stetto (1953) ter, pédiatre, le Professeur de Morsier, neurologue, les professeurs Bickel et Mach, les deux grands maîtres des services dedecine, Klein le généticien, mais aussi avec des médecins privés comme Brocher le radiologue, et Barazzone le généraliste. Il visitait d’abord un patient dans son propre cabinet au 3 de l’avenue de Miremont ; il demandait ensuite, lorsque cela s’avérait nécessaire, des examens complémentaires dans le service d’ophtalmologie et chez les spécialistes d’autres branches de la médecine. Les assistants se faisaient ainsi quelque argent avec ces examens. Puis l’on arrivait à la discussion finale du cas dans la célèbre « chambre verte », une petite pièce peinte en vert, où se poussaient et pressaient tous les assistants, avec le patient assis à la lampe-à-fente. La tradition voulait que ce soit l’assistant qui avait fait les examens complémentaires à présenter le cas. À ce propos, quelqu’un m’a récemment raconté l’anecdote suivante : l’assistant venait de présenter une longue série de diagnostics marqués sur une feuille de papier. Franceschetti l’écoutait parler, en approuvant de la tête : « oui, oui.. oui, oui », tout en rayant chaque diagnostic de la liste. Plus tard, l’assistant reçut une liste de travaux à lire pour compléter ses connaissances. Les cours cliniques dispensés dans la chambre verte étaient réellement incomparables, puisque non seulement ils faisaient intervenir un patient réel, mais ils étaient truffés de nouvelles et de détails provenant de congrès ou de publications récentes (parfois même de nouvelles sportives ou familiales). C’était de l’enseignement au sens le plus strict du terme ainsi qu’une expérience inoubliable pour assistants et collaborateurs. Car Franceschetti recevait et traitait les cas les plus extraordinaires de l’époque en génétique et en ophtalmologie. Il fut l’ophtalmologue de nombreux personnages illustres, telle que l’exreine d’Italie, qui résidait à Genève. Rois, présidents et ministres défilaient dans la salle d’attente de son service. Parfois, c’était lui qui était invité à se rendre dans les pays de ces personnalités. Je me rappelle du moment où il refusa de se rendre en Haïti pour examiner le dictateur Duvallier. Il se rendit en revanche en Roumanie dans les années cinquante, alors qu’il n’existait pas de relations diplomatiques ni d’échanges avec ce pays du bloc communiste. Ce fut pour y visiter le grand violoniste Enescu. Après la consultation, quand on lui demanda ses honoraires, il donna la liste des ressortissants suisses encore retenus dans le pays depuis la fin de la guerre. Tous purent quitter la Roumanie. Ensuite, pour avoir du succès comme chef de service, il faut savoir générer un esprit de corps dans une équipe, ce qui nécessite un investissement personnel. Franceschetti l’avait bien compris. Il veillait à ce qu’il y ait toujours une série d’évènements sociaux impliquant ses collaborateurs, afin que ceux-ci puissent le rencontrer en dehors du travail ou parfois même au cours de celui-ci. A l’époque, le service d’ophtalmologie avait un système d’appel des patients par des numéros qui s’affichaient sur un tableau électrique. Le numéro 13 signifiait qu’il fallait tout abandonner sur-le-champ et qu’il y avait des petits gâteaux à la bibliothèque. Celle-ci était le centre vital du service. Le matin, après les opérations, Franceschetti venait y prendre son thé. La table était immense et pouvait accommoder au moins six personnes de chaque côté. C’était l’occasion des questions et réponses. Franceschetti trônait d’un côté avec sa secrétaire Lise Mayor, qui prenait des notes pour pouvoir exécuter les décisions. Les hôtes s’asseyaient du même côté que le patron. Une fois par année, à l’approche de Noël, il donnait une grande soirée à la maison pour l’ensemble du personnel du service. Il tenait absolument à organiser les tables – cela se faisait par un tirage au sort – de telle façon que les maris et leurs femmes ne puissent jamais se voir durant le dîner. Il y avait un cadeau pour chacun, ainsi qu’un cadeau tout spécial accompagné d’une lettre qu’il fallait lire en public – une blague, bien sûr. Par exemple, qui arrivait toujours en retard, se voyait offrir l’horaire des trams envoyé par le Directeur des transports publics en personne et ainsi de suite. Après dîner, il y avait la danse. Un assistant qui ne savait pas danser ne pouvait trouver place dans le service. Franceschetti adorait danser mais aussi jouer du piano. Fig. 4 Caricature de Kit-Kat (1957) 300 ophta • 4|2008

HISTOIRE<br />

Fig. 3 Franceschetti peint par Benoit di<br />

Stetto (1953)<br />

ter, pédiatre, le Professeur <strong>de</strong> Morsier,<br />

neurologue, les professeurs Bickel et<br />

Mach, les <strong>de</strong>ux grands maîtres <strong>de</strong>s<br />

services <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine, Klein le généticien,<br />

mais aussi avec <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

privés comme Brocher le radiologue,<br />

et Barazzone le généraliste.<br />

Il visitait d’abord un patient dans son<br />

propre cabinet au 3 <strong>de</strong> l’avenue <strong>de</strong><br />

Miremont ; il <strong>de</strong>mandait ensuite, lorsque<br />

cela s’avérait nécessaire, <strong>de</strong>s examens<br />

complémentaires dans le service<br />

d’<strong>ophta</strong>lmologie et chez les spécialistes<br />

d’autres branches <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine.<br />

<strong>Le</strong>s assistants se faisaient ainsi quelque<br />

argent avec ces examens. Puis l’on<br />

arrivait à la discussion finale du cas<br />

dans la célèbre <strong>«</strong> chambre verte », une<br />

petite pièce peinte en vert, où se poussaient<br />

et pressaient tous les assistants,<br />

avec le patient assis à la lampe-à-fente.<br />

La tradition voulait que ce soit l’assistant<br />

qui avait fait les examens complémentaires<br />

à présenter le cas. À ce propos,<br />

quelqu’un m’a récemment raconté<br />

l’anecdote suivante : l’assistant venait<br />

<strong>de</strong> présenter une longue série <strong>de</strong> diagnostics<br />

marqués sur une feuille <strong>de</strong><br />

papier. Franceschetti l’écoutait parler,<br />

en approuvant <strong>de</strong> la tête : <strong>«</strong> oui, oui..<br />

oui, oui », tout en rayant chaque diagnostic<br />

<strong>de</strong> la liste. Plus tard, l’assistant<br />

reçut une liste <strong>de</strong> travaux à lire pour<br />

compléter ses connaissances.<br />

<strong>Le</strong>s cours cliniques dispensés dans<br />

la chambre verte étaient réellement<br />

incomparables, puisque non seulement<br />

ils faisaient intervenir un patient<br />

réel, mais ils étaient truffés <strong>de</strong> nouvelles<br />

et <strong>de</strong> détails provenant <strong>de</strong> congrès<br />

ou <strong>de</strong> publications récentes (parfois<br />

même <strong>de</strong> nouvelles sportives ou<br />

familiales). C’était <strong>de</strong> l’enseignement<br />

au sens le plus strict du terme ainsi<br />

qu’une expérience inoubliable pour<br />

assistants et collaborateurs. Car Franceschetti<br />

recevait et traitait les cas les<br />

plus extraordinaires <strong>de</strong> l’époque en<br />

génétique et en <strong>ophta</strong>lmologie.<br />

Il fut l’<strong>ophta</strong>lmologue <strong>de</strong> nombreux<br />

personnages illustres, telle que l’exreine<br />

d’Italie, qui résidait à Genève.<br />

Rois, prési<strong>de</strong>nts et ministres défilaient<br />

dans la salle d’attente <strong>de</strong> son service.<br />

Parfois, c’était lui qui était invité à se<br />

rendre dans les pays <strong>de</strong> ces personnalités.<br />

Je me rappelle du moment où<br />

il refusa <strong>de</strong> se rendre en Haïti pour<br />

examiner le dictateur Duvallier. Il<br />

se rendit en revanche en Roumanie<br />

dans les années cinquante, alors qu’il<br />

n’existait pas <strong>de</strong> relations diplomatiques<br />

ni d’échanges avec ce pays du<br />

bloc communiste. Ce fut pour y visiter<br />

le grand violoniste Enescu. Après la<br />

consultation, quand on lui <strong>de</strong>manda<br />

ses honoraires, il donna la liste <strong>de</strong>s<br />

ressortissants suisses encore retenus<br />

dans le pays <strong>de</strong>puis la fin <strong>de</strong> la guerre.<br />

Tous purent quitter la Roumanie.<br />

Ensuite, pour avoir du succès comme<br />

chef <strong>de</strong> service, il faut savoir générer<br />

un esprit <strong>de</strong> corps dans une équipe,<br />

ce qui nécessite un investissement<br />

personnel. Franceschetti l’avait bien<br />

compris. Il veillait à ce qu’il y ait toujours<br />

une série d’évènements sociaux<br />

impliquant ses collaborateurs, afin<br />

que ceux-ci puissent le rencontrer en<br />

<strong>de</strong>hors du travail ou parfois même au<br />

cours <strong>de</strong> celui-ci.<br />

A l’époque, le service d’<strong>ophta</strong>lmologie<br />

avait un système d’appel <strong>de</strong>s patients<br />

par <strong>de</strong>s numéros qui s’affichaient sur<br />

un tableau électrique. <strong>Le</strong> numéro 13<br />

signifiait qu’il fallait tout abandonner<br />

sur-le-champ et qu’il y avait <strong>de</strong>s petits<br />

gâteaux à la bibliothèque. Celle-ci était<br />

le centre vital du service. <strong>Le</strong> matin,<br />

après les opérations, Franceschetti<br />

venait y prendre son thé. La table était<br />

immense et pouvait accommo<strong>de</strong>r au<br />

moins six personnes <strong>de</strong> chaque côté.<br />

C’était l’occasion <strong>de</strong>s questions et<br />

réponses. Franceschetti trônait d’un<br />

côté avec sa secrétaire Lise Mayor, qui<br />

prenait <strong>de</strong>s notes pour pouvoir exécuter<br />

les décisions. <strong>Le</strong>s hôtes s’asseyaient<br />

du même côté que le patron.<br />

Une fois par année, à l’approche <strong>de</strong><br />

Noël, il donnait une gran<strong>de</strong> soirée à<br />

la maison pour l’ensemble du personnel<br />

du service. Il tenait absolument à<br />

organiser les tables – cela se faisait par<br />

un tirage au sort – <strong>de</strong> telle façon que<br />

les maris et leurs femmes ne puissent<br />

jamais se voir durant le dîner.<br />

Il y avait un ca<strong>de</strong>au pour chacun, ainsi<br />

qu’un ca<strong>de</strong>au tout spécial accompagné<br />

d’une lettre qu’il fallait lire en public –<br />

une blague, bien sûr. Par exemple, qui<br />

arrivait toujours en retard, se voyait<br />

offrir l’horaire <strong>de</strong>s trams envoyé par<br />

le Directeur <strong>de</strong>s transports publics en<br />

personne et ainsi <strong>de</strong> suite.<br />

Après dîner, il y avait la danse. Un<br />

assistant qui ne savait pas danser ne<br />

pouvait trouver place dans le service.<br />

Franceschetti adorait danser mais<br />

aussi jouer du piano.<br />

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