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18 DOSSIER: Prématurité PSYCHOSCOPE 5/20<strong>12</strong> subjectiver progressivement en intériorisant au fur et à mesure de son expérience quelque chose de la qualité des soins qui lui sont prodigués et tout particulièrement de l’apaisement qui en découle. Lors d’une grande prématurité, le parent fragilisé, surimpliqué ou sous-impliqué, ne peut investir ce rôle régulateur aussi bien qu’il serait nécessaire. Préoccupé par lui-même, le parent fragilisé doit d’abord faire face à ses propres difficultés à se réguler face aux émotions intenses traversées lors de cette période douloureuse. Ainsi, l’enfant prématuré, déjà fragilisé dans son développement et dans ses capacités à mobiliser ses propres ressources d’autorégulation, peine à trouver dans son entourage un parent susceptible de l’accompagner dans ces efforts. La prise en compte de ces conséquences de la prématurité sur la parentalité a donné lieu à la mise au point de nombreux programmes d’intervention lors du séjour en néonatologie et au cours des mois qui suivent la naissance. Ces programmes se sont notamment basés sur des réflexions à propos des conditions d’hospitalisation et d’accueil des familles. Ils ont permis d’encourager la participation active des parents aux soins de leur enfant, favorisant ainsi l’instauration de la relation parents-bébé. L’objectif de ces différents programmes est en général d’aboutir à une forme de partage de la parentalité, c’est-à-dire une parentalité soutenue par l’équipe médicale consciente des compétences et des faiblesses des parents soumis au stress d’une naissance prématurée, plutôt qu’à l’usurpation du rôle parental, qui peut aboutir à un désinvestissement de l’enfant par les parents. Il s’agit aussi de reconnaître le parent dans ses difficultés à s’offrir comme point d’appui subjectivant pour l’enfant et de soutenir ce parent dans sa capacité à se vivre comme un ancrage psychique pour l’enfant; ancrage qui permettra à l’enfant de s’appuyer sur une expérience apaisante et au parent de se construire comme parent au cœur même de cet apaisement offert à l’enfant. Développer le processus actif de découverte Dans un certain nombre de cas, la parentalité semble pouvoir trouver une voie d’épanouissement même après la naissance d’un enfant à très haut risque. La régulation est alors à l’œuvre, de part et d’autre. L’enfant, malgré ses difficultés, semble être porté dans le désir parental. Ce désir parental s’autorégule, faisant place alternativement à une forme d’ouverture véritable au bébé tel qu’il est, avec ses ressources à potentialiser, ses difficultés à reconnaître et à accompagner dans le souci toujours constant d’imaginer leur dépassement. Réalistes mais confiants, disponibles tout en se protégeant, capables d’évoquer leurs doutes et leurs inquiétudes mais ouverts à découvrir leur bébé dans toutes ses possibilités de changement – ceux accessibles comme ceux affrontables –, ces parents semblent ouverts aux événements, capables de s’y adapter et ne cherchent pas à fuir ni à se rassurer aveuglément. Face à l’enfant, ils semblent développer un véritable goût de la surprise et de l’envie de découvrir ce qui vient de leur bébé, quelles que soient ses difficultés. Ces parents donnent l’impression d’être portés par l’espoir lorsque les difficultés sont grandes et ils se dévoilent – ou se découvrent – inventifs de solutions ingénieuses pour amener l’enfant à se dépasser et à découvrir le monde autrement que limité par un bagage périnatal trop lourd. L’histoire périnatale peut prendre la tournure d’une histoire de vie enrichie même si elle est douloureuse. Le traumatisme laisse la place alors à un tricotage historicisé dans lequel l’enfant peut grandir et se développer au mieux de son potentiel. L’accompagnement des familles lors de cet événement doit avoir pour but cette historicisation libératrice. Il s’agit de reconnaître la vulnérabilité parentale, les projections persistantes sur l’enfant, les angoisses persécutrices et les évitements relationnels, tout en donnant ou recréant une place, dans les représentations parentales, aux besoins développementaux tout à fait spécifiques de ces enfants qui restent fragiles. Le devenir de l’enfant prématuré La majorité des travaux concernant le devenir de l’enfant prématuré mettent en évidence que les risques développementaux sont exacerbés lorsque le contexte environnemental n’est pas favorable. Le déficit d’attention, très documenté chez l’ancien prématuré, est, par exemple, expliqué à la fois par des facteurs liés aux caractéristiques de l’enfant et par des facteurs environnementaux. On peut souligner aussi que, tandis que les désordres moteurs apparaissent plutôt liés aux risques organiques, le développement cognitif et socio-émotionnel semble principalement influencé par les facteurs de risque psychosociaux. Comme on peut s’y attendre, le cumul de risques organiques et psychosociaux favorise une évolution développementale plus compliquée. Certaines études ont également montré que les anciens prématurés profitent plus que les enfants nés à terme d’un environnement optimal caractérisé par une sensibilité parentale chaleureuse et une sécurité émotionnelle (Landry et al., 2003) et que les enfants à haut risque biologique peuvent dépasser leur retard cognitif dans un environnement familial et social suffisamment stimulant, tandis que les enfants à haut risque recevant peu de stimulations environne-
mentales vont voir leur développement cognitif s’effondrer. Il apparaît ainsi que le rôle de l’environnement est majeur lorsqu’il s’agit de comprendre la nature des risques développementaux que courent les anciens prématurés. En conclusion La prise en compte des difficultés parentales et l’accompagnement des familles sur le plan émotionnel de même que sur le plan de la compréhension des besoins spécifiques de l’ancien prématuré apparaît essentielle. Pour les professionnels confrontés à ces familles, il s’agit de pouvoir acquérir des outils d’observation et d’évaluation des besoins de l’enfant autant que des parents en déterminant tout particulièrement ce qu’il en est des interactions complexes entre les vulnérabilités développementales (spécifiques à l’enfant) et les fragilités relationnelles (spécifiques à l’environnement familial). Dans l’accompagnement de ces familles, il s’agit toujours de mettre au travail les possibilités de coconstruction d’un projet développemental commun à la famille et aux professionnels en charge de l’enfant né grand prématuré. Ayala Borghini Bibliographie Borghini, A. (2008). Les effets de la prématurité sur la parentalité. Thèse de doctorat en psychologie. Université de Genève. Brazelton, T.B. (1984). The neonatal behavioral assessment scale. Londres: Blackwell. Bullinger, A. & Goubet, N. (1999). Le bébé prématuré, acteur de son développement. Enfance, 51 (1), 27-41. DeMier, R.L., Hynan, M.T., Harris, H.B. & Maniello, R.L. (1996). Perinatal stressors of symptoms of posttraumatic stress in mothers of infants at high-risk. Journal of Perinatology, 16 (4), 276-280. Holditch-Davis, D. & Miles, M.S. (2000). Mothers’ stories about their experiences in the neonatal intensive care unit. Neonatal Network - Journal of Neonatal Nursing, 19 (3), 13-21. Landry, S.H., Smith, K.E. & Swank P.R. (2003). The importance of parenting during early childhood for school-age development. Developmental Neuropsychology, 24 (2-3), 559-91. Shermann-Eizirik, L. (1997). Interaction between mothers and infants born at risk during the first six months of corrected age. Acta Paediatrica, 86 (8), 864-872. L’auteure Ayala Borghini est psychologue, responsable d’un secteur de recherche en périnatalité dans le cadre du SU- PEA, Lausanne. Théoricienne de l’attachement, elle est également clinicienne et spécialiste du développement de l’enfant. Adresse Ayala Borghini, SUPEA, Unité de recherche, Bugnon 25a, 1011 Lausanne. Ayala.Borghini@chuv.ch 19 Zusammenfassung Die weitere Entwicklung eines Frühgeborenen ist mit Risiken verbunden. Zudem ist es für die Eltern äusserst schwierig, einen Umgang mit dieser Situation zu finden, da ihnen diese als Direktbetroffene sehr nahe geht. Ayala Borghini, Psychologin <strong>FSP</strong>, erörtert in ihrem Beitrag diese verschiedenen Aspekte und plädiert für eine Betreuung und wirkungsvolle Begleitung sowohl des Frühchens als auch der Eltern.
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