Reihe III - Gottfried Wilhelm Leibniz Bibliothek
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N. 90 christiaan huygens an leibniz, 11. Juli 1692 339 20 1691, il y a une Observation curieuse que raporte M r de la Hire, touchant des pierres d’aimant qui estoient crues sur du fer au dedans des pierres dont estoit basti une pointe de clocher à Chartres. Vostre recherche de la quantité composée de a, b, c, d, semble assez difficile si on vouloit y trouver quelque maniere generale, mais je doute si elle est bien utile, parceque dans tout ce que j’ay jamais calculé, il ne me s’est offert de pareil probleme. La quantité 5 ac − bd n’est peutestre pas la seule qui satisfasse dans vostre cas. Il y auroit aussi a + b × c + d à considerer quand le Probleme est possible ou non. Si j’en avois besoin j’y songerois d’avantage. La raison qui m’oblige de poser des Atomes infrangibles est que ne pouvant m’accommoder, non plus que Vous Monsieur, du dogme Cartesien que l’Essence des corps consiste 10 dans la seule etendue, je trouve qu’il est necessaire, à fin que les corps gardent leurs figures, et qu’ils resistent au mouvement les uns des autres, de leur donner l’impenetrabilité et une resistence à estre rompus ou enfoncez. Or cette resistence il faut la supposer infinie, parce qu’il semble absurde de la supposer dans un certain degré; comme si on disoit qu’elle egale celle du diamant ou du fer, car cela ne peut avoir de cause dans une matiere 15 où d’ailleurs on ne suppose rien qui l’etendue. C’est pourquoy j’ay tousjours trouvé que c’est une erreur à M r des Cartes, quand il veut que ses petites boules du 2 Element se soient faites par l’abbattement des angles et eminences qu’avoient de petits corps cubiques ou autrement formez. Car s’il faloit quelque force pour surmonter la resistence que faisoient ces angles et eminences à estre rompuës, par où croioit il pouvoir limiter, et à 20 quoy faire monter cette resistence? Et s’ils n’en faisoient aucune, en sorte que ces corps se laissoient tronquer et ecorner à la seule rencontre d’autres particules, pourquoy ne se laissoient ils pas enfoncer aussi, comme de l’argille humide, et comment gardoient ils leur figure apres qu’elle estoit devenue spherique? 5 elle est fort utile K 2 1 raporte: P. de La Hire, Description de l’aiman qui s’est trouvé dans le clocher neuf de Nôtre Dame de Chartres, in: Journal des sçavans, 3. Dez. 1691, S. 704–709 u. Ph. de La Hire, Experience à faire sur la formation de l’aiman, ebd., S. 709–711. Vgl. auch Huygens, Œuvres 10, S. 299. 11 Vous: vgl. Leibniz, Extrait d’une lettre . . . sur la question, si l’essence du corps consiste dans l’étendue, in: Journal des sçavans, 18. Jun. 1691, S. 386–391. 18 à M r des Cartes: vgl. R. Descartes, Principia philosophiae, 1644, pars III, cap. 52.
340 christiaan huygens an leibniz, 11. Juli 1692 N. 90 L’hypothese de la dureté infinie me paroit donc tres necessaire, et je ne conçois 25 pas pourquoy vous la trouvez si etrange et comme qui infereroit un continuel Miracle. Car pour la difficulté de l’union qui arriveroit par la rencontre de deux surfaces plattes, vous la resolvez vous mesme, et vous n’avez qu’à regarder des grains de sable avec un microscope et à voir si vous y trouvez des surfaces exactement plattes; et quand il y en 5 auroit aux atomes, il faudroit encore leur application juste, quod in indivisibili consistit. Je vous prie de considerer ces raisons que je viens d’exposer, et de me dire comment vous concevez que les parties des corps tout simples et primitifs coherent. Seroitce par Vostre Motus conspirans de ces mesmes parties, considerees comme reellement separees, et voudriez vous comprendre les corps simples aussi bien que les composez dans l’article 10 de vos objections contre des Cartes. J’avoue que je ne comprens nullement comment vostre pensée puisse subsister ni dans les uns ni dans les autres. Voulez vous que les particules d’une barre de fer aient au dedans un Motus conspirans, et que non obstant cela on ne trouve pas que rien se derange dans cette barre? Qui peut entendre cela? Et pourtant vous dites que cette Exposition de la cohesion satisfait ensemble à la raison et 15 aux sens. J’ay une maniere d’expliquer la cohesion des corps composez qui depend de la pression de dehors, et encore d’autre chose. Mais en voilà desja assez sur ce suject. M r de Beauval m’a presté vos remarques sur les 2 premieres parties des Principes de Des Cartes, que j’ay examinees avec plaisir. Il y a ample matiere de contredire à ce Philosophe, aussi voit on venir des objections de tous costez. Pour ce qui est de ses 20 demonstrations Metaphysiques de Existentia Dei, animae non corporeae, et immortalis, je n’en ay jamais esté satisfait. Nous n’avons nullement cette Idea entis perfectissimi. Je n’approuve non plus son Veri, et suis d’accord avec vous dans la plus part de vos raisonnemens, quoyque non pas dans tous. Mais il seroit trop long d’entrer dans cette discussion. Je vois que vous alleguez souvent ce que vous auriez escrit ailleurs. Entendez 25 vous parler d’autres traitez que ceux qu’on a vu dans les Acta de Leipsich? 3 la difficulté: vgl. ebd., pars II, cap. 54 f. 4 resolvez vous mesme: in dem Manuskript Animadversiones in partem generalem Principiorum Cartesianorum. 9 Motus conspirans: vgl. Leibniz, a. a. O., S. 388. 16 maniere d’expliquer: vgl. Ch. Huygens, Extrait d’une lettre . . . touchant les phénomènes de l’eau purgée d’air, in: Journal des sçavans, 25. Jul. 1672, S. 112–123. 18 vos remarques: Leibniz’ Animadversiones. 21 de Existentia Dei: vgl. R. Descartes, Meditationes de prima philosophia, 1641, bes. die Meditationes III u. V, sowie R. Descartes, Principia philosophiae, 1644, pars I, cap. 14–23. 23 Veri: vgl. R. Descartes, a. a. O., Meditatio IV.
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N. 90 christiaan huygens an leibniz, 11. Juli 1692 339<br />
20 1691, il y a une Observation curieuse que raporte M r de la Hire, touchant des pierres<br />
d’aimant qui estoient crues sur du fer au dedans des pierres dont estoit basti une pointe<br />
de clocher à Chartres.<br />
Vostre recherche de la quantité composée de a, b, c, d, semble assez difficile si on<br />
vouloit y trouver quelque maniere generale, mais je doute si elle est bien utile, parceque<br />
dans tout ce que j’ay jamais calculé, il ne me s’est offert de pareil probleme. La quantité 5<br />
ac − bd<br />
n’est peutestre pas la seule qui satisfasse dans vostre cas. Il y auroit aussi<br />
a + b × c + d<br />
à considerer quand le Probleme est possible ou non. Si j’en avois besoin j’y songerois<br />
d’avantage.<br />
La raison qui m’oblige de poser des Atomes infrangibles est que ne pouvant m’accommoder,<br />
non plus que Vous Monsieur, du dogme Cartesien que l’Essence des corps consiste 10<br />
dans la seule etendue, je trouve qu’il est necessaire, à fin que les corps gardent leurs figures,<br />
et qu’ils resistent au mouvement les uns des autres, de leur donner l’impenetrabilité<br />
et une resistence à estre rompus ou enfoncez. Or cette resistence il faut la supposer infinie,<br />
parce qu’il semble absurde de la supposer dans un certain degré; comme si on disoit<br />
qu’elle egale celle du diamant ou du fer, car cela ne peut avoir de cause dans une matiere 15<br />
où d’ailleurs on ne suppose rien qui l’etendue. C’est pourquoy j’ay tousjours trouvé que<br />
c’est une erreur à M r des Cartes, quand il veut que ses petites boules du 2 Element se<br />
soient faites par l’abbattement des angles et eminences qu’avoient de petits corps cubiques<br />
ou autrement formez. Car s’il faloit quelque force pour surmonter la resistence que<br />
faisoient ces angles et eminences à estre rompuës, par où croioit il pouvoir limiter, et à 20<br />
quoy faire monter cette resistence? Et s’ils n’en faisoient aucune, en sorte que ces corps<br />
se laissoient tronquer et ecorner à la seule rencontre d’autres particules, pourquoy ne se<br />
laissoient ils pas enfoncer aussi, comme de l’argille humide, et comment gardoient ils leur<br />
figure apres qu’elle estoit devenue spherique?<br />
5 elle est fort utile K 2<br />
1 raporte: P. de La Hire, Description de l’aiman qui s’est trouvé dans le clocher neuf de Nôtre<br />
Dame de Chartres, in: Journal des sçavans, 3. Dez. 1691, S. 704–709 u. Ph. de La Hire, Experience à<br />
faire sur la formation de l’aiman, ebd., S. 709–711. Vgl. auch Huygens, Œuvres 10, S. 299. 11 Vous:<br />
vgl. <strong>Leibniz</strong>, Extrait d’une lettre . . . sur la question, si l’essence du corps consiste dans l’étendue, in:<br />
Journal des sçavans, 18. Jun. 1691, S. 386–391. 18 à M r des Cartes: vgl. R. Descartes, Principia<br />
philosophiae, 1644, pars <strong>III</strong>, cap. 52.